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Yann Rivoallan : « La crise dans la mode est violente et va continuer de l’être »

43 % des dirigeants dans le prêt-à-porter estiment que l’avenir sera exigeant et incertain, selon une récente étude présentée par la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin (FFPAPF). Face aux enjeux auxquels est confronté le secteur du retail, la fédération a conçu un livre blanc intitulé "FLAIR", qui offre notamment des conseils pratiques et des analyses de tendances. Son président Yann Rivoallan revient pour nous sur les défis qui attendent l’industrie de la mode.

L’augmentation de l’instabilité économique et financière, la déconsommation de la mode, et la gestion du cash-flow (flux de trésorerie), sont les principales préoccupations des dirigeants dans le prêt-à-porter, selon l’étude réalisée par NellyRodi et la FFPAPF en 2024. Les dirigeants attendraient plus de données sur la conjoncture, le marché et les attentes des consommateurs, des informations sur les réglementations et les législations à venir, avec l’objectif de dessiner une vision collective du business et du secteur pour l’avenir. C’est ce que propose dans le livre blanc Yann Rivoallan, président de la fédération, qui évolue dans la mode et le digital depuis 20 ans maintenant :

« L’origine du livre blanc vient d’un double constat : la crise dans la mode est violente et va continuer de l’être, et il est impératif de donner toutes les pistes de réflexion qu’on peut avoir sur les actions à mettre en place. Le maître-mot ici, c’est le collectif. D’abord parce que l’on doit avoir une vision éco-responsable très forte, même si c’est difficile, car il y a des visions écologiques très diverses entre les différents acteurs. » De plus, Yann Rivoallan voit dans l’alliance entre les marques et les startups un moyen de performer davantage face aux innovations des marques étrangères ultra-concurrentielles comme Shein ou Temu. « Allier les startups et les marques, c’est l’une des clés de la réussite », affirme-t-il.

Sortir d’une vision à court-terme

L’étude fait également état d’un enjeu pour le secteur de sortir d’une vision court-termiste et trop opérationnelle. Pour le président de la FFPAPF, l’industrie a la capacité à améliorer les marges et la supply chain (chaîne d’approvisionnement) dès maintenant : « Cette capacité à long terme à avoir une réindustrialisation en France va totalement de pair avec la capacité immédiate à améliorer ses marges. C’est le double défi qu’on a en ce moment : il faut non seulement se transformer dans le futur, mais aussi dans le présent. Il faut tout de suite s’améliorer, sinon, on est morts ».

Il voit ici une urgence à se concentrer sur des investissements et une transformation des entreprises pour rester compétitif. Mais comment faire face à la concurrence des marques d’ultra fast fashion ? Pour Yann Rivoallan, les enseignes ont tout intérêt à monter en gamme. « Si les marques comme Shein, ou même Action et Primark, fonctionnent bien, on observe en parallèle l’envolée du luxe et la premiumisation des marques. Par exemple, Zara a lancé des magasins Zara Home à Paris, avec des produits beaucoup plus chers et qui se veulent plus qualitatifs. Le challenge c’est de se dire : comment être plus premium pour conserver de la marge, pour proposer des produits de meilleure qualité et plus de services, tout en gardant ma clientèle ? Des marques comme Sézane, ba&sh ou Petit Bateau ont réussi ce challenge. Sézane a réussi à ne pas augmenter ses prix, malgré l’augmentation du prix du tissu. »

Cependant, le contexte économique actuel ne joue pas en faveur des commerçants. 73 % d’entre eux pensent que l’inflation a eu un impact négatif sur leur activité ces derniers mois, d’après une étude de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris sur les soldes d’été 2024. D’après l’Insee, les dépenses des ménages français en textile et cuir au printemps dernier ont été inférieures à celles du printemps 2023.

« Il y a effectivement des coûts incompressibles, comme l’énergie, le loyer ou l’alimentaire. La mode est quant à elle une variable d’ajustement, explique Yann Rivoallan. Mais le besoin et l’envie de la mode est toujours aussi présent. D’où le succès des marques chinoises, qui proposent toujours plus de produits à des prix toujours plus faibles. Les acheteurs savent que ce sont de mauvais produits mais se laissent prendre par la frénésie de l’achat. »

« Des produits plus durables »

Responsable de près de 10 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales, soit plus que les secteurs aérien et maritime réunis, l’industrie de la mode est l’une des plus polluantes, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). D’après l’étude FLAIR, 56 % des dirigeants de marques estiment comme « tout à fait prioritaire » d’actualiser les valeurs de leur entreprise. Mais pour Yann Rivoallan, il y a surtout une urgence à faire adopter la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Elle prévoit plusieurs mesures pour réduire la pollution engendrée par la fast-fashion, dont un renforcement du malus écologique et une interdiction de faire de la publicité.

« On observe une envolée de Temu et Shein, mais aussi de centaines d’autres plateformes, notamment en Inde. Et l’IA facilite le développement de toutes ces plateformes », avertit le président de la FFPAPF. On estime que Shein propose 900 fois plus de produits qu’une enseigne française traditionnelle, avec en moyenne plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour et plus de 470 000 produits différents, peut-on lire dans la proposition de loi. Le chiffre d’affaires de l’enseigne chinoise a progressé de 900 % en seulement trois ans, et il en va de même pour le site chinois d’achats en ligne Temu.

« Ces plateformes sont extrêmement polluantes, invitent à la surconsommation, et les conditions de fabrications sont honteuses, proches de l’esclavagisme, dénonce Yann Rivoallan. A l’inverse, des marques françaises travaillent jour après jour pour avoir un produit de meilleure qualité qui dure plus longtemps. Je prends l’exemple de la marque Royal mer, qui propose désormais des pulls marins garantis à vie. Alors oui, faire un pull c’est polluant, mais s’il est gardé à vie, le niveau de pollution est ridicule comparé à une robe Shein qui ne va être portée que trois fois. » Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, la proposition de loi doit à présent être examinée par le Sénat.

Parmi les sujets traités par la FFPAPF, on peut également citer l’impact du dérèglement climatique sur les soldes, qui souffrent ces derniers temps d’un manque de popularité. « Les achats sont de plus en plus utilitaires. Désormais, les gens achètent certes pour se faire plaisir, mais justifient l’achat par un besoin », explique M. Rivoallan, qui remarque que les collections hiver paraissent dès septembre, alors que les températures sont encore chaudes. « C’est totalement inconcevable, souligne-t-il. Donc je pose cette question à tous les acteurs du marché : faut-il décaler les soldes à plus tard à cause du dérèglement climatique ? C’est un sujet que je lance à partir de la rentrée avec les acteurs du marché. »

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