Lancé en 1976 par la femme d’affaires britannique Anita Roddick, à Brighton, The Body Shop a tout de suite marqué sa différence avec ses engagements écologiques et contre les tests menés sur les animaux. L’enseigne proposait dans sa première boutique des produits de soin dans des flacons rechargeables et a fortement plaidé pour des alternatives à l’expérimentation animale depuis 1980, selon PETA France.
Si quelques franchises sont présentes en France dès 1982, l’entreprise connaît un tournant majeur lors de son rachat par L’Oréal pour 945 millions d’euros en mars 2006. Mais, en 2016, les ventes baissent de 4,8 % et le groupe français de produits cosmétiques envisage de se débarrasser de la marque britannique (qui comptait alors environ 3 000 magasins dans le monde). L’Oréal cède The Body Shop en juin 2017 à une entreprise brésilienne, Natura Cosmeticos, pour un milliard d’euros.
Un développement concret en franchise
L’enseigne de cosmétiques va tenter de remonter la pente avec l’obtention de la certification B-Corp en 2019, un label qui reconnaît les bonnes pratiques des entreprises en termes d’impact social, sociétal et environnemental. En 2020, The Body Shop réalise alors un chiffre d’affaires mondial de 900 millions d’euros, dont 32 millions d’euros en France.
En 2022, The Body Shop accélère son développement en France en s’ouvrant au modèle de la franchise. L’enseigne ouvre de premiers magasins en franchise avec l’ambition de passer à une dizaine en 2023. Mais le groupe brésilien est endetté et envisage de vendre la marque britannique dès l’été 2023. Il ne suspend cependant pas les ouvertures en franchises en France. La dernière ouvrira en décembre 2023, un mois après l’annonce du rachat de The Body Shop par le fonds d’investissement allemand Aurelius pour environ 238 millions d’euros, soit un quart de la somme à laquelle la marque a été achetée.
Descente aux enfers
Cette gestion a provoqué la colère des franchisés qui comptent 7 magasins sur les 66 de l’enseigne en France : ils ont en effet commencé à avoir des difficultés dans le renouvellement de leurs stocks, n’étant plus livrés par le groupe. Trois mois seulement après cette acquisition, The Body Shop Royaume-Uni a déposé le bilan, le 13 février 2024. Un mois après, c’est au tour de The Body Shop France de déposer le bilan auprès du tribunal de commerce de Paris. L’enseigne est placée en redressement judiciaire le 4 avril dernier par le tribunal de commerce de Paris, qui prévoit alors une période d’observation de six mois pour établir un diagnostic.
C’est finalement sa décision qui a acté la fin de la marque. Le 17 juillet dernier, le tribunal de commerce annonce la fermeture de tous les magasins du pays. Le lendemain, The Body Shop publie sur ses réseaux sociaux un message d’adieu à destination de ses clients français.
Un problème de fond ?
Si la marque semblait être dans l’air du temps, et même en avance sur les enjeux écologiques et la défense des animaux, elle n’a pas su se moderniser pour faire face à la concurrence. C’est ce que retient le cabinet de recherche et de conseil britannique Ecovia Intelligence, spécialiste des industries de produits éthiques. Selon lui, la marque est restée « immobile » tandis que l’industrie de la beauté évoluait à vitesse grand V. « Le développement durable fait désormais partie intégrante de l’industrie, et toutes les marques de cosmétiques ont entrepris des initiatives écologiques et éthiques. Être éthique ne suffisait plus », explique le cabinet dans son analyse.
Malgré tout son potentiel, The Body Shop n’a pas sur faire face à l’arrivée de concurrents comme Lush, qui a misé sur des produits naturels innovants, ou Adopt Parfums, qui propose un large choix de fragrances certifiées vegan et avec 99 % d’ingrédients d’origine naturelle. Ecovia souligne un autre facteur : l’évolution des comportements d’achats. Les consommateurs éthiques auxquels s’adresse The Body Shop prennent en compte bien plus de paramètres qu’auparavant, comme l’empreinte carbone ou la RSE.
« La disparition de The Body Shop met en évidence l’importance croissante de la concurrence dans le domaine des cosmétiques durables. Autrefois pionnière, la marque emblématique semble avoir été laissée pour compte, les préférences des consommateurs ayant changé », conclut le rapport.