La mer inspire. La preuve avec Léon de Bruxelles qui a opéré une refonte totale de sa marque en 2022 au moment de son rachat par le Groupe Bertrand pour devenir Léon Fish Brasserie. “Nous avons terminé 2023 à 120 millions d’euros HT, soit une croissance de +10 % par rapport à 2022. Nous aurons 5 ouvertures avec le nouveau concept dans l’année, ainsi que 10 rénovations sur le parc pour une transformation réussie à fin 2024, explique Pascal Amsellem son directeur général à la tête de 81 unités, dont 35 % de franchises. Le changement est porteur, car le CA a augmenté de +30 % en moyenne avec +30 % du trafic sur place et un ticket moyen en légère hausse aussi.” Chez Père & Fish, qui cible 80 à 100 unités d’ici 2028, le burger de poisson est roi. “Nous avons réalisé plus d’un million d’euros de CA HT cette année et 25 % de EBITDA(1) sur notre seule unité parisienne, alors que le coût des matières premières augmente. 50 % du CA provient de la consommation sur place, contre le reste en livraison et VAE”, note Anthony Giordano son cofondateur.
Des burgers de poisson
Quant à Kevyan Badri, à la tête de Mersea, il note “un CA de plus de 3 millions d’euros sur l’année écoulée” pour son flagship parisien et devrait ouvrir trois franchises d’ici l’été. De son côté, le réseau de pokés hawaïens Bohébon a cumulé “4,7 millions d’euros de CA HT” sur ses 15 unités, dont 3 franchises, en 2023. “Et vise 8 millions d’euros de CA pour fin 2024”, selon Rémi Boglio, son cofondateur. Autres réseaux en plein essor mettant le poisson à l’honneur sur leur carte : Pokawa, Heiko Poké Bowls, La Côte et l’Arête, ou encore Taobento.
Mais comment réussir à percer sur ce marché ? Au travers d’une diversification des produits. “Nous avons des huîtres, des bulots et des crevettes, mais ils ne font pas partie de la majorité des ventes du parc. Les cocottes, elles, pèsent pour 42 % des ventes globales. Nous avons aussi de la consommation apéritive et des cocktails ; ce que nous n’avions pas avant. Ainsi, la clientèle historique d’un certain âge est restée et nous attirons maintenant aussi les familles”, relate Pascal Amsellem de Léon Fish Brasserie.
Mersea, elle, collabore avec un chef étoilé. “Nous avons des burgers, mais aussi de l’aigle fin, et du lieu jaune de taille adulte. Nous avons aussi du ceviche pour l’été et des moules, mais pas toute l’année. Et une carte à 30 % végétale, indique Kevyan Badri. Nous avons également lancé une gamme d’épicerie fine sur place, sur la base de nos recettes. Un ketchup maison ou encore une pâte à tartiner au beurre salé. Cela nous permet d’installer la marque sur le marché et de développer la vente additionnelle pour nos futurs franchisés. L’épicerie représente 2,5 % du CA d’une unité. Ce sera idéalement 4 à 5 % l’an prochain. Nos clients peuvent aussi bénéficier d’une réduction de 30 % sur ces produits. Comme cela, le ticket additionnel peut monter de 4 à 5 euros.”
Quant à Père & Fish, le réseau surfe sur les codes de la street food. “Le burger de saumon snacké moutarde, le colin pané aromatisé au gingembre, le poké ou la salade césar revisitée au poisson frit, ou au saumon-fêta durant l’été, comptent parmi nos top ventes”, indique son codirigeant. Chez Bohébon, cette fois, “80 % de la demande se fait sur du poisson froid ou tiède, type saumon snacké ou chirashi, sachant que le poisson compte pour 60 % des ventes. Viennent ensuite les recettes à base de viande ou végétales. Mais les ventes de ceviche sont marginales comparé au saumon ou au thon Albacore.”
S’approvisionner localement
Ainsi, si la consommation globale de poisson augmente en France, avec des consommateurs qui ont acheté plus de poisson que de viande en 2023 (43 % vs 34 %) selon l’institut Elabe, les franchiseurs doivent repenser leurs menus. Premièrement, ajuster leurs prix à cause de l’inflation. Plusieurs options : miser sur des volumes conséquents pour des prix ajustés, ou sourcer des denrées plus rares avec du haut de gamme. Chez Léon Fish Brasserie, les commandes sont ainsi passées des mois à l’avance auprès de Rungis ou de Boulogne-sur-Mer pour garder des prix accessibles. “Quand on vend 2 500 tonnes de moules par an, que le cycle d’élevage est de 18 mois, on anticipe ! Tant pour garantir la qualité du produit, testé deux fois par jour en cuisine d’ailleurs, que les bons volumes. Chez nous, il y a des moules de France, d’Italie ou du Danemark, mais pas plus loin. Et l’on évite les poissons d’Amérique du Sud, précise Pascal Amsellem. Seuls la sole marnière et le homard dépassent les 20 euros.”
Mais, si certains obtiennent facilement du thon, la France étant le 2e pays producteur de thon de l’Union européenne, ou des moules – selon France AgriMer, la production tricolore pourrait atteindre les 70 000 tonnes/an en 2030(5) -, d’autres restaurateurs se retrouvent limités sur le parc aquatique local (marées, mauvaises conditions météorologiques, etc.). Ou contraints de passer par des fournisseurs qui ne sourcent pas en France pour pallier ces phénomènes. Pour exemple, la production tricolore d’huîtres, qui se situait à environ 100 000 tonnes jusqu’en 2007, est passée entre 75 000 et 92 000 tonnes de 2011 à 2019, selon AgriMer dans un rapport daté d’août 2023.
Quant à l’anguille européenne, elle est en voie d’extinction, comme le rappelle la campagne ‘Anguille, non merci’ lancée à l’hiver dernier par Ethic Ocean. “Les opérateurs sont poussés à s’approvisionner à l’étranger. Aux Pays-Bas, en Belgique et dans les pays de la Mer du Nord. Les espèces les plus importées sont le cabillaud, le saumon, le lieu, maquereau, le thon albacore et listao. En avril 2022, cela s’est intensifié à Pâques, tandis que l’offre locale était insuffisante”, indique aussi une note de conjoncture de France AgriMer, datée de mai 2023. Ce sont aussi 118 000 tonnes de saumon que la Norvège a exportées vers la France en 2021, selon le Norwegian Seafood Council (toutes formes).