Un chiffre impressionnant pour commencer : 1,7 milliard de burgers ont été dévorés, en 2022, dans l’Hexagone, ce qui équivaut à 25 burgers par personne annuellement et à un chiffre d’affaires colossal de 10 milliards d’euros, dont 8 milliards sont attribués aux seuls géants du secteur tels que McDonald’s, Burger King, Quick et KFC*. La restauration rapide est ainsi un secteur qui ne cesse d’attirer les Français, avec pas moins de 90 % de la population séduite, dont 67 % des jeunes de 18 à 34 ans. En 2022, ce secteur a connu une croissance remarquable, affichant une augmentation de 26 % de son chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente. Le burger en est le vecteur principal avec un ratio de points de vente par habitant à hauteur de 1 pour 4 847 en France, selon une étude par Smappen, alors qu’il est, en comparaison, de 1 pour 9 559 habitants pour les sushis.
So chic !
Pour autant, le burger ne se limite plus aux traditionnels fast-foods. Longtemps associé à la « malbouffe », il a dû faire face à la montée en puissance de concepts « healthy » ces dernières années. Dans un environnement concurrentiel féroce, les acteurs du secteur ont dû s’adapter en répondant aux nouvelles attentes des consommateurs et en se démarquant les uns des autres. Cela s’est notamment traduit par une montée en gamme, mettant l’accent sur la qualité et l’origine des produits, ainsi que la promotion de burgers « maison ». Les enseignes premium telles que Five Guys, Shake Shack, ou encore les chaînes locales haut de gamme proposent souvent des burgers avec des ingrédients de qualité supérieure, comme du bœuf Angus, des produits locaux ou des recettes uniques, ce qui se reflète dans leurs tarifs.
Par exemple, chez Five Guys, un « Cheeseburger » peut coûter autour de 10-15 €, selon la région et les options sélectionnées. Shake Shack, connu pour ses burgers gourmets et ses ingrédients de qualité, propose le « ShackBurger » à un prix similaire. Ces enseignes peuvent également offrir des nouveautés saisonnières ou des éditions limitées, comme un burger signature avec du fromage AOP d’une région spécifique ou une sauce exclusive, à un tarif légèrement supérieur en raison de la spécificité des ingrédients.
Elle-même amatrice de burgers premium, Graffi Rathamohan, cofondatrice de PNY, enseigne dont la première franchise ouvrira au printemps à Reims, témoigne de ce dynamisme : « L’année 2022-2023 a vu le smash burger déferler sur le marché, un type de burger que nous n’avions pas en France auparavant. Cette nouveauté a permis d’enrichir le segment en raison de sa rapidité de consommation et de son coût abordable.” Selon elle, le marché du burger classique se consolide, passant d’une époque où de nombreux indépendants ouvraient leurs établissements à une période où ce sont les grands acteurs du secteur qui continuent d’ouvrir de nouveaux restaurants. “Cette évolution du marché est marquée par une tendance vers la restauration assise mono-burger, avec une approche axée sur la qualité et l’expérience du client, plutôt que sur le fast-food”, analyse Graffi Rathamohan, dont l’enseigne cible une clientèle de « jeunes trentenaires actifs » sensibles aux problématiques environnementales et à la qualité des produits.
Avec ou sans viande ?
Parmi les tendances en plein essor : le burger végétarien, qui répond justement aux attentes des consommateurs en matière de protection de la planète. « Concrètement, on fait partie de la première génération qui ne peut pas dire ‘nous ne savions pas’, insiste Graffi Rathamohan, rappelant que PNY a été précurseur dans l’introduction de burgers végétariens et véganes en France. Quand on a ouvert il y a dix ans, il y avait 3 burgers à la carte, dont un végétarien. Les journalistes trouvaient cela absurde. Aujourd’hui, il serait absurde de ne pas en proposer. La part des ventes de burgers végétariens a augmenté de 2 % à 5-6 %. Et ceux véganes, c’est-à-dire végétaliens, sans aucun produit d’origine animale, représentent désormais plus de 2 % de nos ventes. Nous sommes ainsi les premiers à avoir utilisé la Beyond Meat, la viande végane de substitution. »
En témoigne également le développement en France, depuis 2020, de CopperBranch. « Nous sommes un jeune réseau, une marque canadienne avec une offre 100 % végétale », précise Frédéric Pastur, son directeur général. Nous nous donnons l’objectif d’être à 20 % en livraison, à 50 % sur place et à 30 % à emporter. » Des chiffres assez similaires à ceux de BChef puisque 65 % des clients de cette enseigne choisissent de se restaurer sur place, tandis que 20 % optent pour la formule à emporter et 15 % préfèrent la livraison à domicile.
« On a ouvert à Clermont-Ferrand, Nîmes et Paris, depuis 2 ans et demi, poursuit Frédéric Pastur. Le monde du burger se dirige vers la vente de produits toujours plus propres et transparents, on consomme pour se faire du bien et faire du bien à la planète, c’est la dynamique dans laquelle nous sommes. Le bilan est encourageant, on constate que le végétal n’est pas que chez nous donc qu’on est sur la bonne voie. » En effet, l’offre végétarienne gagne du terrain dans toutes les enseignes : on pense notamment au Veggie Steakhouse de Burger King, au Veggie Avocado de McDonald’s ou encore au Giant Veggie de Quick.
« Nous avons innové ces dernières années, avec, par exemple, des burgers veggie afin d’offrir une alternative aux clients ne mangeant pas de viande, confirme Laurent Pareau, directeur réseau de Burger King, qui a fêté, fin 2023, l’ouverture de son 500e restaurant en France et compte désormais plus de 150 franchisés dans l’Hexagone. Il y a aussi eu un boom du click and collect et de la livraison à domicile, ou encore une digitalisation du parcours-client. Autre changement : le service à table qui a réduit l’écart avec les restaurants classiques. Côté RSE, la vaisselle réutilisable est une nouveauté récente. Nous avons aussi travaillé pour progresser en matière d’approvisionnement local : 75 % de nos approvisionnements sont aujourd’hui français. »
Un marché qui donne de l’appétit aux enseignes
Autres défis du secteur : l’inflation, la baisse de la fréquentation et la concurrence accrue. « L’inflation a fortement influencé les choix des clients, en particulier vers les produits d’appel et d’entrée de gamme, parfois au détriment des produits plus durables, souligne pour sa part Julien Perret, directeur général de BChef. Je suis étonnamment très optimiste pour l’avenir. Cette période est une formidable opportunité pour les acteurs les plus agiles, les plus innovants, les plus audacieux. Notre belle année 2023 le prouve. Malgré une augmentation modérée du nombre d’établissements, notre principale croissance provient de l’amélioration du chiffre d’affaires par unité. Nous sommes passés de 61 à 62 établissements avec une augmentation de plus de 10 % de la fréquentation moyenne, ce qui a abouti à un chiffre d’affaires total de 35 millions d’euros, contre 31,5 millions d’euros l’année précédente. »
De son côté, PNY dispose aujourd’hui de quatorze restaurants à Paris, Nantes, Strasbourg, Bordeaux… Et a décidé d’ouvrir son capital à ses clients. Une pratique encore peu courante en France, contrairement au Royaume-Uni, où déjà en septembre dernier, la chaîne Honest Burger lançait une opération similaire. “On préfère ouvrir de nouveaux restaurants progressivement pour garantir la qualité, plutôt que de se précipiter dans une expansion rapide. J’estime qu’il est essentiel de s’inscrire dans la durée pour devenir une institution”, souligne Graffi Rathamohan qui se réjouit de voir PNY sélectionné comme le « burger officiel des JO ». Il sera donc présent sur le village olympique l’été prochain. Plus largement, les Jeux olympiques seront-ils cette année un moteur de croissance pour les enseignes spécialistes du burger ? Pas si sûr, selon Julien Perret de BChef : « Les JO ne durent qu’un mois, et il n’est à ce stade absolument pas certain qu’ils apportent un regain substantiel de fréquentation à la restauration rapide. »
Si les restaurants de petites et moyennes tailles ne manquent pas de dynamisme, c’est aussi le cas pour leurs grands frères, alors qu’on pourrait croire le marché saturé. « Nous espérons 50 à 70 ouvertures par an, avec 15 à 20 nouveaux franchisés, précise Laurent Pareau de Burger King. Nous voulons continuer à mailler tout le territoire, notamment l’Île-de-France, Lyon, le Grand Est ou encore la région PACA. Nous avons des ambitions fortes autant en centres-villes que dans les centres commerciaux. L’important est d’abord de trouver le bon lieu, puis de bien former les futurs franchisés qui vont consacrer 18 ans de leur vie à l’enseigne, les contrats durant 2 x 9 ans. Ce sont avant tout des aventures humaines, et des projets qui impliquent les proches. L’intégration dans le tissu local de toute la famille est déterminante pour que le projet réussisse. » Revendu à H.I.G Capital par le groupe Bertrand en 2021, Quick totalise désormais 129 restaurants en France et ambitionne, pour sa part, de doubler son parc de restaurants d’ici 2026.
Sans oublier que l’enseigne américaine Wendy’s a annoncé, l’an dernier, sa volonté de s’implanter en France via la franchise. À l’exception notable du Royaume-Uni, cette chaîne aux 7 000 établissements est quasiment absente en Europe. Son originalité ? Proposer des steaks de forme carrée dans ses burgers. Côté nouveauté, le dernier réseau à s’être installé en France n’est autre que Popeyes, né à la Nouvelle Orléans, aux États-Unis, il y a plus de 50 ans, et spécialiste du poulet frit. Depuis sa première ouverture à Paris, face à la gare du Nord, en février 2023, d’autres ont déjà suivi : Lyon, Brest, Troyes, Agen, Grenoble… Une preuve de l’appétit sans fin des Français pour les burgers !