La crise sanitaire a fait évoluer le recrutement et la manière des entreprises de communiquer avec leurs futurs candidats. Sans compter qu’en France, seul 1 employé sur 5 affirme avoir une ‘bonne’ relation avec son travail. Et qu’en 2023, seules 14 % des entreprises capitalisent sur des programmes ambassadeurs pour faire connaître leur marque employeur à l’externe, comme l’indique le baromètre annuel de Welcome to the Jungle. Ces derniers sont d’ailleurs devenus encore plus sélectifs. Ils sont en quête d’un poste stable et porteur de sens, comme en témoignait encore, en 2022, ce chiffre de l’Apec : 94% des cadres jugent important d’exercer un métier répondant à ce critère. Un défi, donc, notamment pour les secteurs de l’hôtellerie et restauration et des services à la personne, systématiquement confrontés à des enjeux saisonniers et à des pénuries de personnel. Sans oublier le secteur des actions sociales (aides à domicile et ménagères), recensant plus de 5 000 intentions d’embauche, d’après les estimations de Pôle Emploi.
« Nous faisons face à une importante demande de la part des clients avec beaucoup d’heures de prestations à fournir, mais moins de collaborateurs en place, constate Delphine Motelet, responsable développement RH pour le réseau d’agences O2 (Groupe Oui Care, CA 2021 : 358 M€). Il y a une déperdition des personnes qui nous rejoignent. C’est pourquoi nous devons absolument recruter davantage, mais surtout fidéliser nos collaborateurs. » Actuellement, plusieurs milliers de postes sont ouverts chez O2, la plupart en CDI, sur des prestations d’aide à domicile, de ménage, de garde d’enfant et d’aide aux personnes âgées ou en situation de handicap.
Une situation que déplore également, du côté de l’hotellerie, Thomas Robin, SVP talent & culture pour Accor Europe du Sud (1 900 hôtels dont 1 600 en France) : « 150 000 postes dans notre secteur étaient déjà recherchés avant la crise de la Covid ! Dans ce contexte, nous sommes les plus exposés aux pénuries de main d’œuvre. Au sein d’Accor, plus de 2 000 postes sont à pourvoir en France, comme réceptionniste, valet ou femme de chambre, serveur ou cuisiner, soit entre 10 et 15% de besoins manquants par rapport à notre business. »
Même le commerce spécialisé est en peine. « Des dizaines de postes sont ouverts en CDI sur le réseau, avec des contrats saisonniers en plus petite proportion« , indique Sidonie Tagliante, directrice de la communication, marketing et RSE chez Naturalia. L’enseigne recherche également « des alternants pour des postes de vendeurs et d’adjoints de magasin en prévision de fins de contrats. » A noter que l’enseigne au logo en épi de blé est très concurrencée en matière de recrutements. « Il y a une pénurie de profils sur les postes d’adjoints magasins. Ils représentent 30 % des besoins recherchés, alors que nous devons faire face à la grande distribution qui communique beaucoup. »
Apporter des bénéfices aux candidats
Les candidats sont donc confrontés à une multitude d’offres. L’enjeu pour Naturalia est de savoir se positionner par rapport à d’autres enseignes. « Nous devons nous aussi communiquer et mettre en avant nos valeurs, notamment en tant qu’entreprise à mission pour nous différencier. Nous devons insister sur la transparence, l’audace, l’inclusion et la diversité« , commente-t-elle. Et cela vaut même pour les profils non-issus de la bio spécialisée : « Certains des collaborateurs qui nous ont rejoints récemment étaient managers dans de grandes enseignes de restauration rapide. Nous accueillons aussi des personnes réfugiées… »
La plupart des experts en conviendront : recruter c’est bien, mais fidéliser c’est encore mieux. Du côté d’O2, qui veut « nourrir la marque employeur sous la veine de l’humain » et qui privilégie les soft skills avant les compétences techniques, on propose notamment « une offre digitale privilégiée afin d’accompagner les enfants des collaborateurs dans leur scolarité« , selon les mots de Delphine Motelet. Le groupe a aussi mis sur pied une offre de CFA, formant au métier de conseiller de clientèle : « L’idée étant de former à la signature, de capitaliser sur ce nouveau collaborateur et de l’accompagner pas à pas, vers d’autres fonctions au sein de l’entreprise. Certains prestataires sont devenus responsables d’agence. » Du côté d’Accor ? « Les collaborateurs bénéficient de réductions sur les tarifs des chambres et des restaurants, valables dans tous les hôtels du groupe », répond Thomas Robin. L’enseigne Naturalia, elle, priorise les avantages sociaux : « Nous développons une forte politique de parentalité avec davantage de congés ‘enfant malade’, mais aussi des primes de naissance et de rentrée scolaire. Et puis, dans le cadre d’accord sur la mobilité, une prime mensuelle est versée aux collaborateurs qui viennent en vélo ou en trottinette« , mentionnent Sidonie Tagliante et Mélody Le Barbenchon.
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Miser sur l’on-boarding
Par ailleurs, la marque employeur se construit sur de l’on-boarding : soit l’intégration des recrues au sein de leur nouvel environnement (par de la formation, de l’e-learning ou des activités autour de la vie d’entreprise, etc.). Comme à l’image d’O2, construisant un jeu entre agences : une initiative encore « en cours de maquettage« , dans le cadre de son accord de qualité de vie au travail. « Il s’agit de faire participer l’ensemble des salariés et de créer autour de ce jeu un moment convivial en agence », relate Delphine Motelet. Les recruteurs peuvent aussi incarner la marque employeur durant des job dating, comme le propose Accor à Bordeaux, lors de recrutements expérientiels et de journées de recrutements sans CV en régions. « Ces événements sont basés sur la détection des aptitudes des talents pour les métiers de la cuisine, de la réception, de l’hébergement et de la restauration avec des mises en situation réelles et avec à la clé, un bon pour embauche, détaille Thomas Robin. Avec certaines de nos marques, comme par exemple Ibis, nous amplifions la passion de la marque autour de la musique et nous recrutons sans bagage hôtelier. Nous souhaitons faire vivre l’univers de nos hôtels pour convaincre les talents de nous rejoindre. » Naturalia mène aussi des entretiens moins conventionnels : « À Marseille, en partenariat avec Pôle Emploi, nous avons organisé une session de foot dating : vous jouez avec les candidats, puis vous passez des entretiens », précisent Sidonie Tagliante et Mélody Le Barbenchon.
De collaborateur à ambassadeur de marque
En parallèle, il faudra amplifier son discours autour de la communication et de la publicité. « Nous avons fait chanter nos collaborateurs dans un spot radio et lancé des micros-trottoirs. Après tout, les meilleurs ambassadeurs de marque sont nos salariés, ceux qui vivent le terrain… Cette campagne intitulée ‘Les jours pour dire oui‘ est déjà diffusée en affichage, commente Delphine Motelet chez O2. Pour autant, il faut mettre en place une communication qui soit propre à chacun : par exemple, des étudiants avec un job à temps choisi nécessitent une campagne à leur destination. L’objectif est de pouvoir s’identifier à une offre. » Quant à Accor, le groupe travaille la marque employeur en attirant des talents vers les hôtels de ses propriétaires. « Ils peuvent alors bénéficier de la réputation d’Accor et de sa force de frappe en termes de réseau et de communication, en signant avec nous. La communication est donc un axe phare pour nous », poursuit Thomas Robin. Dernière prise de parole sur le digital ? Une campagne intitulée ‘BeAllYouAre‘, conçue avec TBWA\Corporate à Lyon pour déployer la marque employeur sur le hub Europe du Sud. 70 collaborateurs (France et monde) y ont répondu pour témoigner de leur expérience. À date, depuis le lancement, le site Carrières du groupe Accor enregistre une forte croissance du trafic (+15%).
Accor a aussi lancé ‘LimitlessCareers’ (une série de témoignages) et ‘LimitlessStories’ (des formats courts axés sur les moments de vie professionnelle), avec pour ligne directrice, la mobilité interne et la possibilité de changer de service, de marque ou d’établissement au bout d’un an. En parallèle, Accor exploite le stade de France pour diffuser des affiches à destination des futurs candidats. Enfin, Naturalia, aussi, décline une campagne ambassadeurs : « Nous incluons de plus en plus nos collaborateurs dans nos communications, qu’elles soient tournées vers le B to C ou le B to B, car cela apporte de la transparence et une vue de l’intérieur de l’enseigne. » Le concept est incarné avec la web-série ‘Entretien Validé'(réalisée en collaboration avec le studio Mojo, elle pourrait même connaître une saison 2) et avec ‘Bails de bio‘, des mini-vidéos destinées aux réseaux sociaux. « Ces dernières répondent aux questions des clients sur la bio et valorisent l’expertise de nos équipes en ce sens », soulignent Sidonie Tagliante et Mélody Le Barbenchon, également conscientes des enjeux de réputation et d’engagement à maintenir autour de l’ouverture de l’enseigne à la location-gérance.
Aussi, fidéliser, communiquer, innover et apporter de la valeur ajoutée à son ADN de marque, tels sont les piliers de la marque employeur. Employeurs, sachez donc rester à l’écoute des besoins du marché en 2024 !
Article publié dans L’Officiel des Réseaux en Juin 2022.