Le choix du contrat est primordial pour le développement d’une enseigne. Laurent Delafontaine, associé fondateur du cabinet Axe Réseaux, fait le point sur les différentes formules existantes.
Fort de son succès, la franchise utilisée dans l’univers du droit est devenue au fil du temps une antonomase, et nous constatons que des contrats de distribution (licence, concession) sont aujourd’hui confondus avec celui de franchise. Par exemple, le consommateur évoquera la “franchise” Mc Donald’s, alors que c’est un contrat de location gérance avec investissement ! Pour cette même raison, les enseignes souhaitant se développer en franchise sont confrontées à devoir choisir un contrat parmi un large panorama. Le propos de cet article vise à considérer les attraits pratiques d’un choix contractuel sur un autre, en particulier pour le recrutement des futurs candidats.
Par esprit de simplification, trois types de contrat vont être étudiés : le contrat de franchise, le contrat de licence de marque et d’autres contrats “hybrides”.
La franchise
Concernant le contrat de franchise, c’est un contrat non défini, dont le périmètre est délimité par les praticiens du droit, qui n’ont pas trouvé dans le cadre législatif le territoire de cette convention, différente du mandat ou de la concession. Les principaux textes qui régissent la franchise sont la Loi Doubin du 31 décembre 1989 et son décret d’application, le règlement n°330/2010 du 20 avril 2010 et ses lignes directrices et enfin le Code européen de déontologie de la franchise. Il ressort de ces textes les informations et conditions suivantes :
– le franchisé est un commerçant indépendant ;
– le franchiseur et le franchisé sont juridiquement indépendants mais avec un principe fondamental de collaboration entre eux ;
– le franchiseur doit posséder une marque commerciale et pouvoir mettre à disposition du franchisé les visuels du concept ;
– le franchiseur doit posséder un savoir-faire secret, substantiel, et identifié ;
– le franchiseur doit fournir une assistance au franchisé dans la mise en œuvre et l’exploitation de ce savoir-faire.
– la nécessaire, mais non obligatoire, expérimentation probante du concept au travers d’un ou plusieurs pilotes, sur une durée significative ;
Toute enseigne répondant à ces critères peut donc retenir le choix contractuel de la franchise.
Pour autant, et pour être complet sur les conditions nécessaires au choix du contrat de franchise, il faut considérer des éléments issus de la jurisprudence, et en particulier les risques suivants :
– la requalification du contrat de franchise en contrat de travail ou en contrat d’agent commercial ;
– la remise en cause par le franchisé des prévisionnels transmis pré-contractuellement par le franchiseur et ses conséquences ;
Ce dernier critère demandera une attention particulière, transmettre au candidat un prévisionnel financier à caractère grossièrement erroné, revient clairement à s’exposer à un risque de contentieux dans le temps.
Enfin, et pour finaliser les conditions du contrat de franchise, il convient de préciser :
– que les conditions d’exploitations du concept ne doivent pas être radicalement différentes entre le pilote et les futurs franchisés ;
– que la profession ne répond pas à une norme, un diplôme, ou à une pénurie de main d’œuvre ;
– que le succès du concept ne répond pas à un effet de mode où à une incitation fiscale ;
– que les produits/ services sont approvisionnables et commercialisables dans toute la France ;
– que le futur franchiseur a les moyens financiers et humains nécessaires au recrutement, à la formation et à l’animation de ses partenaires.
Répondre favorablement aux critères mentionnés peut aiguiller le choix vers le contrat de franchise.
La licence de marque
Concernant le contrat de licence de marque, il est simple : le concédant autorise l’exploitation de sa marque à un licencié, moyennant le versement d’une redevance. Il n’existe pas d’obligation de savoir-faire, d’assistance, de cahier des charges… tout au plus un guide de respect des visuels de la marque. Le risque de contentieux des licenciés est faible, tout comme l’implication du concédant dans la relation.
Ce contrat est souvent retenu par des enseignes n’ayant pas encore de savoir-faire à transmettre, ni la volonté de mettre en place une organisation coûteuse pour un développement, ni l’envie de s’exposer juridiquement.
Les hybrides
Les contrats que je qualifie d’hybrides sont créés par des avocats qui souhaitent proposer à leurs clients, une solution “sur-mesure”. Les appellations sont diverses : contrat de mise en œuvre d’un site pilote et de concession sélective de licence de marque et d’enseigne, contrat de mise à disposition du concept commercial et technique, etc. Mon propos n’est pas de juger de la qualité de ces contrats, mais de signifier au lecteur qu’opter pour l’une de ces solutions est source d’ennuis.
Ainsi, récemment, une société proposant un tel contrat s’est vue compliquer l’accès à un salon de la franchise, car il ne répondait pas aux normes d’admission des exposants. Une autre a dû faire intervenir l’avocat rédacteur pour expliquer le bien fondé dudit contrat aux banquiers sollicités pour accompagner un candidat. Réaction similaire chez les journalistes qui ne reconnaissent pas dans ces formules, les us et coutumes de la profession. Mais surtout, les candidats sont réticents, en particulier s’ils sont conseillés par leur propre avocat. Tout le talent devra résider chez le développeur de l’enseigne qui saura expliquer les subtilités d’un tel contrat. La compétence première d’un développeur d’enseigne n’étant pas juridique, l’issue des échanges est incertaine.
Pour conclure, il appartient à la future tête de réseau de mener sa réflexion aussi loin que possible en termes d’organisation et de relations avec les futurs partenaires. La réalisation d’un audit préalable par des consultants* est souvent bénéfique car les conclusions peuvent déconseiller un développement du concept “en l’état” et recommander certaines évolutions nécessaires au succès du projet. Il convient ensuite de s’adresser à un avocat spécialisé afin de se faire communiquer les avantages et les inconvénients de chaque type de contrat.
Si le choix se pose entre la franchise et la licence (en évitant les contrats hybrides pour les raisons évoquées), les obligations exprimées dans le paragraphe sur le contrat de franchise, peuvent être un support utile de décision. Si l’enseigne ne répond pas totalement à ces critères, le contrat de licence de marque peut-être une prudente antichambre d’un futur contrat de franchise. En tout état de cause, le jury reste souverain dans l’appréciation et l’interprétation du contrat et peut lui-même fixer les intentions des parties, qui vont jusqu’à la requalification contractuelle (voir affaire Chattawak).
*(Collège des experts de la fédération française de la franchise).
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