En quoi consiste exactement le paiement à l’usage ?
Jérôme Beillevaire. Le concept est simple : un client doit pouvoir prendre un objet le temps dont il en a besoin, et ne payer que pour cette durée, que ce soit pour une heure, quelques jours ou une semaine. Il est libre de le rendre quand il le souhaite, sans engagement. L’idée est de louer pour un usage précis, au lieu d’acheter peu importe la fréquence d’utilisation.
Quels sont les secteurs les plus propices ?
J.B. Ils sont nombreux : le bricolage, la puériculture, le jardinage… Nous nous servons souvent de ce genre de matériel de manière occasionnelle ou limitée dans le temps. Le reste du temps, cela prend la poussière dans nos placards ! Je pense aussi au marché des instruments de musique, avec des appareils très coûteux à l’achat. Surtout quand le petit dernier abandonne la guitare ou le violon au bout de quelques mois !
Pourquoi les réseaux de distribution ont-ils intérêt à proposer ce service ?
J.B. D’abord parce que cette solution s’inscrit parfaitement dans les tendances de consommation des Français et leur permet de répondre efficacement aux nouveaux usages, notamment des jeunes. L’inflation, l’évolution de la conscience environnementale et les tensions sur les ressources naturelles bousculent les modes de consommation. Ensuite, cela leur fait une source de profits supplémentaire et ces objets peuvent, par la suite, être revendus d’occasion. C’est un cycle vertueux.
Quels sont aujourd’hui les freins ?
J.B. Cela implique un changement de paradigme conséquent, aussi bien dans le business model, que dans la gestion du paiement ou encore de la logistique. Ainsi, le financement est un obstacle majeur. C’est pourquoi nous finançons le stock des équipements locatifs de nos clients. Il y a donc zéro investissement et zéro coût fixe pour eux. Deuxième frein important : la technique. Nous nous occupons donc du développement informatique en marque blanche. Dernier enjeu : l’accompagnement, le soutien et la formation des équipes en magasin, car leur métier change. Il ne s’agit plus de vente classique. Cela suppose en effet de fournir un parcours de souscription et une expérience client plus complexes. Et, pour les spécialistes de la location B2B, cela demande de savoir s’adapter à une clientèle de particuliers. Les problématiques ne sont pas les mêmes.
Quels en sont les avantages pour les clients ?
J.B. Prisé pour son caractère responsable, ce mode de consommation séduit également pour des raisons économiques. En effet, la baisse du pouvoir d’achat rend l’accès à certains biens plus compliqué et la location permet de répartir les coûts. Ensuite, au-delà de l’aspect économique et environnemental, la location garantit une expérience plus qualitative pour les consommateurs parce que les programmes de location proposent systématiquement des équipements haut de gamme et récents. Cela vient en lieu et place de l’achat d’un produit souvent moins cher et vite dépassé technologiquement car il est gardé longtemps. Ce mode de consommation permet aussi de s’éloigner de certaines contraintes d’achat comme l’entretien, la gestion des pannes et des réparations.
Vous avez mené une étude* sur le marché du bricolage, qu’en ressort-il ?
J.B. 91 % des Français pratiquent le bricolage. Mais, même parmi les outils les plus fréquemment utilisés, leur usage reste occasionnel. Actuellement, seulement 5 % des bricoleurs privilégient la location d’outils à l’achat, contre 21 % optant pour l’emprunt auprès d’un proche et 66 % privilégiant l’achat. Un des freins majeurs à la location d’outils est l’absence de service de location à proximité (27 %). Parmi les Français qui optent pour la location d’outils, 53 % d’entre eux font ce choix en raison du tarif plus abordable que l’achat, et 37 % pour des raisons écologiques. Autre point notable : plus les bricoleurs sont jeunes, plus ils sont enclins à louer du matériel, avec 16 % des moins de 34 ans qui pratiquent la location de matériel.
*Enquête menée par Xerfi pour KNAVE en mai 2024 auprès d’un échantillon de 880 personnes représentatif des ménages français.