Quel bilan tirez vous de la semaine de 4 jours depuis sa mise en place ?
Laurent de la Clergerie. Nous l’avons tout de suite mise en place pour l’intégralité de nos effectifs (siège, sites logistiques et magasins en propre). C’était une condition de départ. J’en suis désormais convaincu : on travaille bien mieux en quatre jours qu’en cinq ! Nos collaborateurs travaillent 32 heures, avec le sourire et sans s’épuiser. Ce qui m’a le plus surpris ? Je n’ai pas été obligé d’embaucher de manière systématique, car les gens sont plus efficaces et moins fatigués. Ils travaillent mieux, en moins de temps, même sur les sites de production. Le fait de changer de rythme de vie, de prendre le temps de vivre en dehors du travail, a réduit les absences et amélioré les relations interpersonnelles. Cela a changé la vie des salariés, et cela s’est ressenti positivement dans l’entreprise. Je regrette simplement de ne pas l’avoir fait avant ! Non seulement l’équilibre de vie de nos équipes a bénéficié d’une nette amélioration, mais, en plus, le groupe a gagné en efficacité.
Est-ce que certains de vos franchisés ont, eux aussi, passé le pas ?
LDLC. Oui, deux d’entre eux. Et beaucoup hésitent. Ils veulent y aller, mais cela n’est pas simple. Ils ne sont pas fermés, au contraire, mais la question du recrutement reste un frein. De notre côté, avant de nous lancer, nous avons dû, en amont, refaire les plannings. Nous avons recruté dans les boutiques de moins de trois personnes pour pallier les vacances. Mais nous avons aussi, en parallèle, élargi les horaires pour compenser. Nous échangeons beaucoup avec nos franchisés à ce sujet, nous leur avons aussi envoyé nos plannings types pour les magasins. Plus largement, les dirigeants qui me contactent n’osent pas y aller quand la croissance est en berne, car ce n’est pas le moment, et quand leur entreprise va bien, ils ne veulent pas changer ce qui fonctionne. Donc, quand est-ce que ce sera le bon moment ? C’est un risque à prendre, mais cela vaut la peine d’oser tant les bénéfices sont importants.
La semaine de 4 jours est devenu un argument pour attirer les talents et les fidéliser ?
LDLC. Tout à fait ! Nous avons augmenté notre notoriété en termes de marque employeur. Nous recevons beaucoup plus de CV qu’avant, mais aussi plus que nos concurrents. Et ce, sur tous les types de poste. Ensuite, une fois que les salariés ont connu ce rythme, ils ne veulent plus revenir en arrière. Nous n’avons quasi plus de turn-over, ce qui freine la mobilité interne en période de stagnation économique. Dans l’informatique, nous sommes sur des cycles de vente de 3 à 5 ans : après l’embellie pendant le Covid, nous attendons un vrai redémarrage fin 2024/2025. En attendant, cela peut entraîner des frustrations de salariés qui ne veulent pas aller dans une autre entreprise, mais ne peuvent pas, à date, évoluer en interne.
Quelles autres mesures avez-vous prises en matière de qualité de vie au travail depuis ?
LDLC. Alors que la plupart des entreprises ont accordé une prime aux télétravailleurs, nous avons décidé d’aller à contre-courant en donnant une prime à nos salariés ne pouvant pas, de par leur fonction, télétravailler. Ce sont souvent des personnes ayant un bas salaire, c’était donc une manière de les augmenter et de compenser le fait que, eux, ne peuvent pas travailler de chez eux. Ensuite, nous avons allongé le congé maternité et paternité à 20 semaines en juin dernier. Nous voulions que les deux parents soient sur la même durée. En France, le congé maternité est de 18 semaines en postnatal à partir du 3e enfant, nous avons voulu le passer à 20 semaines dès le premier enfant. C’est l’entreprise qui paie, certes, mais au-delà de ce coût, je suis convaincu que l’impact sera positif pour les salariés et pour l’entreprise. Ces derniers se sentent ainsi considérés. J’en suis persuadé : quand on donne, on récupère.
Vous êtes sponsor du club de basket lyonnais l’ASVEL et réalisez également du mécénat culturel. Pourquoi ?
LDLC. C’est une manière de participer à l’écosystème local et de rendre, en tant qu’acteur économique, ce que l’on a gagné. Pour les salariés, le sponsoring sportif amène aussi des moments privilégiés : ils peuvent assister à certains matchs et faire de belles rencontres. Tony Parker est ainsi venu à l’entrepôt et a improvisé un panier de basket pour jouer avec les collaborateurs. Ce sont des moments d’exception : je suis content que l’entreprise puisse les leur apporter.
Vous avez participé à l’émission « Patron incognito » sur M6 en 2022. Avec le recul, que retenez-vous de cette expérience ?
LDLC. À l’origine, je ne voulais pas faire cette émission ! Je ne voulais pas passer à la TV. Au final, j’ai trouvé cela génial. Ce n’est pas truqué. On passe une journée entière avec les salariés, ce qui leur laisse le temps de se confier. Cela crée des relations spéciales. Les salariés de LDLC étaient aussi très fiers que j’ose y participer. On ressent juste une sorte de blues après l’émission, on aurait envie de recommencer l’expérience !
Crédit photo : Marie-Eve Brouet