Quand on regarde le marché des instituts de beauté, mieux vaut voir le pot de crème à moitié plein. Après le Covid, le secteur a perdu des couleurs, ne parvenant pas à retrouver le niveau de fréquentation de 2019. Xerfi anticipait même, l’année dernière, une contraction de 0,5 % en valeur de la consommation des soins de beauté. Et une réduction du chiffre d’affaires des instituts de 3 %. Pourtant, de l’avis de ces instituts, les marges de progression sont bel et bien présentes. « Le marché est en pleine réorganisation, convient Dominique Munier, directeur général adjoint du groupe Novi (qui comprend les enseignes Beauty Success, Citron Vert, Esthetic Center, JFG Clinic, JFG Dépil et Parfumerie Nicole). Certes, une partie de la clientèle n’est pas revenue, d’une part car elle avait peur de l’effet contagion en période post-pandémie, mais aussi car elle a adopté la tendance du ‘do it yourself’, avec des soins à domicile. Le secteur a connu de nombreuses fermetures d’établissements, mais désormais il faut le voir comme une opportunité : un grand nombre d’instituts de beauté sont à vendre sur le marché avec des prix bien inférieurs à l’avant-Covid. » Un effet d’aubaine sur lequel se positionne également Guinot/Mary Cohr. « Nous suivons une stratégie de conversion, en intégrant des instituts indépendants à notre système de franchise », annonce Edouard Falguières, directeur de la franchise de ce réseau qui compte 70 points de vente en franchise sous chacune de ces deux enseignes et ambitionne de dépasser le millier de franchisés en France d’ici à dix ans.
Dans une note de synthèse, Xerfi confirme également cette embellie des réseaux sous enseignes qui gagnent du terrain : « Les acteurs leaders ont continué à densifier leur maillage territorial au cours des derniers mois, que ce soit par le rachat de réseaux existants ou l’ouverture de nouveaux points de vente. » Ainsi, le groupe Novi avait fait l’actualité en rachetant l’enseigne Citron Vert en juin 2022… et compte bien faire celle de 2024 en opérant une profonde restructuration de son réseau. Le groupe entend en effet réunir trois de ses marques : Beauty Success, Esthetic Center et Citron Vert. « Dans ce monde qui demande de l’agilité, il faut simplifier les choses, s’adapter, justifie Dominique Munier. Notre réflexion, c’est de prendre le meilleur de nos enseignes pour créer un nouveau concept. » Son nom ? Beauty Success l’Institut. Le groupe Novi espère ainsi faire la différence avec un réseau, à terme, de 600 adresses en France, dont 500 réunies sous la même enseigne. Cette simplification sera profitable à deux niveaux : d’une part auprès des clientes, qui identifieront et retrouveront un institut du réseau près de leur domicile ou de leur lieu de travail, mais aussi auprès des futures recrues. « Nous pourrons mutualiser tous les services, dont les ressources humaines, pour faciliter le recrutement dans nos instituts », ajoute Dominique Munier.
Former pour attirer
À l’instar de nombreux secteurs d’activité, depuis la pandémie, les instituts de beauté souffrent d’un manque de main-d’œuvre. Soit les esthéticiennes ont profité de la période Covid pour se reconvertir, soit elles ont décidé de se lancer avec un statut d’auto-entrepreneur. Les instituts de beauté sous enseigne peinent désormais à recruter. Comment y remédier ? « Cela passe par la formation et l’environnement de travail, avec des outils qui les aideront dans leurs prestations avec les clients, répond Maud Carlassare, directrice talents de Ieva Group (L’Atelier du sourcil, Boudoir du regard, etc.). Aujourd’hui, les diplômes d’esthétique tendent à évoluer, mais on n’est pas encore dans une formation leur permettant, en sortant de l’école, de travailler chez nous. C’est pourquoi, nous, franchiseurs, devons poursuivre leur formation et mieux les accompagner dans l’adoption de nouvelles technologies. » Car la crise sanitaire a entraîné un coup d’accélérateur dans la transformation digitale de nombreux instituts de beauté.
Le numérique est ainsi devenu un enjeu clé. D’une part, il incite certains acteurs à repenser leur stratégie en ligne. Pour Édouard Falguières, cela contribue à la « professionnalisation du secteur » : « Les instituts s’informatisent, ils sont présents sur les réseaux sociaux, déploient leur site Internet et développent même de vraies stratégies digitales avec une application mobile dédiée. Cela signifie faciliter la prise de rendez-vous en ligne, permettre le click-and-collect des produits, ou encore faire bénéficier les clientes de conseils avisés de la part des esthéticiennes. » D’autre part, l’essor des nouvelles technologies permet d’étendre l’offre de services et de proposer des soins innovants à la clientèle. Même dans les instituts de beauté, l’intelligence artificielle est présente… « Nous y faisons appel pour le diagnostic de peau, notamment, et pour pouvoir établir des soins qui sont personnalisés, commente MaudCarlassare. L’analyse qui sera partagée à la cliente pour le conseil produit ou le conseil prestation sera encore meilleure. »
L’importance de l’expérience client
La technologie bénéficie ainsi à l’expérience client, l’enjeu pour les réseaux étant de fidéliser les clientes. Ce qui fera la différence ? La proposition de soins et/ou d’appareils exclusifs, des méthodes brevetées qui permettront à chaque réseau de se démarquer. Une sorte d’innovation au bénéfice de la cliente à la recherche d’un moment à part, où on prendra soin d’elle. « Il faut sans cesse améliorer le savoir-faire des instituts, commente Edouard Falguières. Et s’assurer de sa bonne transmission. Cela est essentiel pour l’expérience client. Cela signifie qu’il faut à la fois combiner la stratégie digitale, les nouvelles technologies avec la façon d’accueillir, de réaliser une consultation, puis une prescription, de proposer un nouveau rendez-vous, de raccompagner à la porte, etc. » Autrement dit, il s’agit de valoriser un sens du service poussé. « Si nous voulons continuer à exceller, il faut être vigilant sur les détails », insiste Édouard Falguières. Pour Maud Carlassare, impossible désormais d’envisager un parcours client sans intégrer des produits adaptés aux attentes de la consommatrice. « La vente de produits, en plus de la prestation, est un axe de développement de notre secteur, assure-t-elle. C’est pourquoi nous avons lancé une application qui permet aux clientes de recevoir directement leurs produits chez elles, en fonction du diagnostic de nos instituts. Chaque mois, nous leur soumettons des propositions différentes qui répondent à leur besoin du moment. » L’innovation réside aussi dans les prestations en elles-mêmes.
Ainsi, parmi les tout jeunes réseaux de franchise, celui d’Iris & Willy spa a choisi un positionnement unique : s’adresser aux enfants et, par extension, à des familles entières, aux femmes enceintes et aux nouveau-nés. « Notre spécificité est d’avoir créé une carte de soins qui reprend la ligne de vie de la famille, avec une approche autant en technique qu’en savoir-être », présente Alexis Foret. Il a créé le premier Iris & Willy spa en 2020, puis a décliné le concept en franchise dès 2022 avec deux adresses à Toulouse (Haute-Garonne) et Alès (Gard). Pour mieux accueillir les enfants, peu habitués aux centres de beauté, la manière de s’adresser à la clientèle est fondamentale. « Nous développons une notion de prise en charge bienveillante, sans jugement pour nos clients. Nous n’avons pas toujours des histoires heureuses : nous rencontrons des jeunes mamans qui souffrent d’un syndrome post-partum, ou des enfants grands prématurés avec des liens d’attachements parentaux particuliers », développe Alexis Foret. Là aussi, les équipes suivent une formation spécifique, pour mieux prendre en charge ces personnes. « Quand une esthéticienne ou une spa praticienne rejoint notre réseau, elle a déjà souvent son propre parcours, ses propres techniques. Nous allons donc l’accompagner sur la prise en charge de l’enfant. Elle revoit entièrement son métier, en quelque sorte », poursuit le fondateur. Le secteur de la beauté prouve ainsi qu’il permet de donner du sens à une carrière et d’embellir des parcours de vie.