Essuyer les plâtres en devenant le premier franchisé ? « Oui, à condition de savoir où aller et quels sont les outils mis à disposition par le franchiseur”, explique Nicolas-Louis Amédée, directeur du développement chez Territoires & Marketing. Avant de solliciter un rendez-vous bancaire pour faire financer son projet, le futur franchisé devra déjà pouvoir s’appuyer sur l’historique du réseau. Tant pour cibler son emplacement, que pour définir son plan de développement à 3 ou 5 ans et trouver sa banque partenaire dans l’aventure.
Disposer d’une data solide au départ
En matière de data, précise ainsi Christophe Humbert, responsable du pôle franchise et partenariats professionnels chez LCL, “demandez quels sont les résultats de la ou des unités pilotes. Renseignez-vous aussi pour savoir si le CA prévisionnel est réaliste (ou pas). Et échangez avec le franchiseur sur la rentabilité des succursales et des unités pilotes afin de mieux comprendre le modèle à partir de certaines métriques : marge, loyers maxi, etc.” Plus en amont encore, “allez rencontrer plusieurs franchiseurs d’un même secteur d’activité. Et n’hésitez pas à réaliser un « vis ma vie » au sein du point pilote car, chaque enseigne s’est construite à partir d’une culture et de valeurs propres qu’il est fondamental de connaître », ajoute ce dernier.
Philippe L’Herminé, premier franchisé des boulangeries Sophie Lebreuilly, a ouvert à Boulogne-sur-Mer (62) en 2018 : “J’ai enquêté sur les succursales et fait 4-5 magasins pour me former pendant deux mois, étant issu de la restauration. Je voulais passer par tous les postes possibles pour confirmer mon choix, comme identifier les erreurs à ne pas reproduire”. Enquêter sur ladite enseigne requiert aussi un esprit critique. “Comme de savoir si le concept est duplicable sur la zone (ou pas) qui vous tente car le franchiseur doit tenir compte des spécificités locales pour assurer votre réussite. S’agit-il d’une enseigne parisienne ou de province, par exemple ?, suggère Nicolas-Louis Amédée. Anticipez par ailleurs le fait qu’il vous faudra peut-être déménager et impliquer toute votre famille dans ce projet. Il faut donc partir averti, mais aussi se montrer flexible si ledit territoire ne convenait pas au franchiseur. D’où le fait d’avoir une idée de son plan de développement !”
Attention aux têtes de réseau trop ambitieuses, tenez compte des premiers signaux d’alerte. “Une enseigne qui voudrait 200 unités en trois ans alors que seuls 11 % des réseaux ont plus de 100 unités et 2 % plus de 400 parmi les 5 000 enseignes du commerce organisé devrait donc vous mettre la puce à l’oreille. Il faut retenir que 90 % en ont moins de 100 ! Idem si le franchiseur vous propose de tester à sa place le format de centre commercial plutôt que de centre-ville”, avertit Nicolas-Louis Amédée.
Autre point phare avant de signer ? S’enquérir du fonctionnement interne du réseau. “Demandez au franchiseur comment a été déterminé le droit d’entrée et ce qu’il comprend précisément pour vérifier qu’il est cohérent avec le service réellement apporté : durée de formation initiale, temps de présence du franchiseur à l’ouverture, formation éventuelle de vos salariés, etc.”, suggère Christophe Humbert. “L’enseigne s’est-elle entourée d’un cabinet de conseil ? Dispose-t-elle d’un fichier client et d’un vrai savoir-faire à transmettre ?”, complète Nicolas-Louis Amédée.
Place ensuite à la préparation du rendez-vous bancaire pour convaincre son conseiller attitré de la viabilité de son projet. “Puisqu’il n’y avait qu’un point pilote, j’avais bien étudié de mon côté la concurrence sur le marché des bars à thème. Et même demandé un crédit à la banque du réseau lui-même, chez qui les relations étaient bonnes”, explique Matthieu Kala, qui deviendra le premier franchisé de l’enseigne Beer’s Corner d’ici avril 2024 à Senlis (60). “Il est non seulement important d’expliquer la rentabilité du concept, mais aussi l’étude de marché réalisée, même si elle est succincte. Il faut pouvoir connaître le flux de la rue concernée, la concurrence locale et l’approche des prix, notamment pour justifier l’emplacement et évoquer le CA prévisionnel”, recommande Christophe Humbert.
“Mon épouse et moi-même étions non seulement primo-accédants, mais l’enseigne choisie n’était pas non plus connue sur le marché. Elle nous avait toutefois fourni le bilan d’une de ses quatre unités en propre. Mais il a bien fallu faire 10 banques avant d’obtenir un « Oui ». C’est sans doute notre présentation Powerpoint qui a fait la différence et prouvé notre sérieux !”, raconte Florian Martinel, qui a été parmi les premiers à tester le concept de Pitaya en janvier 2019. En réalité, estime le restaurateur qui gère depuis quatre sites autour de Strasbourg, “il faut se mettre à la place du banquier qui a toujours une approche par le risque. Et s’entourer d’un expert-comptable”.
Enfin, ajoute l’expert bancaire, “pensez à bien évaluer la durée du contrat de franchise (de 3 à 9 ans). Est-elle assez longue pour que vous ayez le temps de rentabiliser vos investissements ? Et en adéquation avec la durée de l’emprunt nécessaire à votre financement ?”Car à titre d’exemple, étaye ce dernier, “les contrats de 3 ans sur un jeune réseau peuvent être un frein à la recherche d’un financement bancaire (souvent d’une durée de 7 ans). Cela expose aussi le franchisé au bout de 3 ans, en cas de non-renouvellement par le franchiseur.”
Assumer son rôle de précurseur
Devenir le premier franchisé requiert aussi d’être autonome et d’aimer la prise de risques. “Un tel recrutement est un grand pas en avant pour le franchiseur. Pour ma part, je m’étais manifesté auprès de l’enseigne pour le devenir, étant salarié au sein de son point pilote au départ. Il faut gagner sa confiance, s’intéresser à sa personnalité et avancer main dans la main. Et être prêt à s’investir en étant force de proposition et à devenir son ambassadeur local”, estime Matthieu Kala. Le bon état d’esprit selon lui ? “Suivre la ligne directrice du concept et du point pilote, tout en imposant sa patte pour se démarquer des autres unités. Je pense déjà à améliorer les soirées karaoké que nous faisions dans l’unité pilote, à changer la décoration avec l’ajout de photos des clients qui viendront nous voir. Et à ajouter des bières locales à ma carte. Il est clé aussi de conserver le dialogue avec le franchiseur, et de ne pas vouloir réinventer la roue”, renchérit le futur gérant.
Un rôle qui implique aussi d’“être costaud car il y a tout à faire”, estime Josselin Galle chez Roadside Burger depuis 2016. Et pour lequel il faut aussi assumer des couacs, mais des deux côtés, parce que l’humilité du franchiseur compte tout autant !” D’ailleurs, complète le franchisé, “on n’a pas eu d’effet ‘Waouh’ sur notre première ouverture à Nantes. Il a bien fallu 6 à 9 mois pour faire décoller l’établissement et se roder. Le concept était donc abouti via ses succursales, mais pas l’accompagnement. Mais mon épouse et moi-même étions prêts à jouer le jeu ! »
Dès lors, les premiers partenaires de l’enseigne devront s’être assurés que, si le modèle est à parfaire et manque de structure, le franchiseur répond déjà à ses principaux devoirs. “Vous ne devez pas être le testeur à toute épreuve”, insiste Nicolas-Louis Amédée. Déjà au travers d’un contrat équilibré et avec la garantie d’un certain niveau d’accompagnement et d’animation. “Rappelons que la majorité des franchisés sont issus de la reconversion professionnelle et que ces ex-salariés méritent un accompagnement solide pour devenir de véritables chefs d’entreprise qui se sont approprié le concept, souligne l’expert du LCL.
Allez plus loin !
Lisez la suite dans L’Officiel de la Franchise n° 236 daté de décembre-janvier 2024