Le taux de vacance des locaux commerciaux en centre-ville est passé de 9,61 % en janvier 2021 à 9,11 % en 2023, selon Cushman & Wakefield. Une légère amélioration qui vient contrecarrer près d’une décennie de hausse des taux de vacance, en particulier dans les villes de taille moyenne où les centres-villes ont longtemps été délaissés. Aujourd’hui, 64 % des Français se disent attachés à leur centre-ville. Ce taux atteint même les 91 % chez les Parisiens, selon une étude parue en 2024 réalisée par l’institut CSA et Citiz Media. Depuis la pandémie, les modes de consommation semblent avoir évolué et la redynamisation des centres-villes vient répondre à une attente des Français.
On remarque en effet l’émergence de points de vente qui s’adaptent au format des centres-villes de la part d’enseignes qui sont historiquement placées sur de grandes surfaces de ventes. C’est le cas du géant suédois Ikea, connu pour son parcours client ludique dans de grands espaces, qui a ouvert des formats « city » à Paris, notamment rue de Rivoli dès 2021. Ce dernier proposait 2 000 références sur une surface de 2 900 m², contre une moyenne de 20 000 m² dans ses magasins. Comment expliquer cet attrait, qui prend de l’ampleur, pour les centres-villes ?
Une évolution des modes de consommation
Pour Decathlon, l’ouverture, en juin dernier, d’un concept city à Nantes (qui compte 2 000 références sur une surface de 550 m2) vient répondre à une vraie demande de ses clients. « C’est un format qui répond pleinement aux évolutions des pratiques sportives et des modes de consommation, nous confirme l’équipe de l’enseigne. Les retours de nos clients, que nous suivons quotidiennement, sont très bons et traduisent le fait qu’ils nous attendent aussi dans ces environnements, où nous sommes très complémentaires des acteurs historiques. »
Des modes de consommation qui évoluent, c’est aussi ce que constate Anne-Catherine Péchinot, directrice générale d’Easy Cash, spécialisé dans le rachat et la vente de produits d’occasion et reconditionnés. « Le métier a évolué. Quand on s’est lancés, on achetait et on vendait beaucoup de choses qui prenaient de la place, comme les produits d’électroménager ou de la décoration. Puis Easy Cash s’est recentré sur un nombre de famille de produits plus restreints et sur lesquels nous sommes un tiers de confiance, où on va apporter de la garantie jusqu’à deux ans, soit plutôt des produits techniques », confie-t-elle. L’enseigne enregistre aujourd’hui 50 % de son chiffre d’affaires sur le gaming, la téléphonie et le luxe, soient des produits qui prennent moins de place et qui génèrent à eux seuls la moitié du chiffre d’affaires.
Easy Cash, qui s’est lancé en 2001 avec des magasins grand format, a lancé un premier test dans le centre-ville de Lyon en 2011. « Il devait y avoir 70 m2 de surface de vente mais on avait des performances aussi bonnes qu’en extérieur de ville. Cela nous a permis de nous rendre compte qu’on pouvait faire ce métier sur moins de surface. »
Chez Decathlon, la stratégie diffère quelque peu. L’enseigne peut toujours proposer l’intégralité de son catalogue en faisant appel au digital. « Chaque magasin Decathlon City a accès à 100 % du catalogue Decathlon, et peut proposer au client le Click & Collect via des lockers ou la livraison à domicile en 48h, affirme l’équipe. Nos magasins City proposent aussi tous les services de réparation et location de vélo, car ces modèles circulaires sont en pleine expansion. »
Un choix de clientèle assumé
Investir dans les centres-villes, c’est aussi miser sur une clientèle plus urbaine et avec un pouvoir d’achat souvent plus élevé qu’en extérieur de ville. « En centre-ville, le panier moyen va être plus élevé car on va toucher une clientèle CSP+, là où en extérieur de ville on va être sur du ‘mass-market’ (marché de masse) », confirme la directrice générale d’Easy Cash.
« L’offre, aussi, est différente et va impacter le panier moyen, avec la vente de produits de luxe, de maroquinerie, de téléphonie et de gaming. Puis, on se situe toujours dans des axes de passage et on a une communication dédiée à la génération Z, en misant beaucoup sur Instagram », ajoute-t-elle.
Aller vers une clientèle plus aisée a également été le choix de Sweet Pants, une marque française de prêt-à-porter qui vient de lancer son réseau d’affiliés, en commençant par une ouverture au Touquet et une à Ajaccio. « Il y a aussi un choix de clientèle qui est fait. Notre marque est plus en affinité avec celle qui fréquente les centres-villes plutôt que celle des centres commerciaux. Nos produits adressent une clientèle qui a un pouvoir d’achat plus élevé. »
Les formats city : une tendance qui s’installe pour durer
Si les centres-villes donnent accès à plus de passage et à une clientèle plus aisée, s’y installer a aussi un coût. « Le phénomène s’accélère depuis quelques années, nous confirme Decathlon. Les loyers étant plus élevés, le magasin de centre-ville se doit de miser sur la qualité de l’offre avec des articles à plus forte valeur ajoutée, en accord avec les sports privilégiés par la clientèle urbaine. »
Anne-Catherine Péchinot remarque également cette tendance chez les grandes enseignes, mais précise qu’il faut « vraiment avoir une offre chirurgicale et très adaptée pour que cela puisse bien fonctionner ». L’enseigne, qui a déjà ouvert de nombreux points de vente en centre-ville, ambitionne de poursuivre sa conquête de l’Hexagone. « Nous avons des ouvertures prévues à Saint Brieux et à Lille en centre-ville cette année », annonce la directrice générale d’Easy Cash, qui précise que « le développement de l’enseigne est lié aux franchisés. Notre objectif est de mailler davantage. Nous sommes assez peu présents en région parisienne, notre souhait est d’être présent dans Paris intra-muros, mais aussi dans les centres commerciaux à proximité. »