Les consommateurs ne boudent pas les magasins, mais sont plus frileux dans leurs dépenses. C’est le constat tiré par Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, lors d’une conférence de presse mardi 13 février dernier.
“L’activité du commerce spécialisé était en baisse de -1,5 % en janvier 2024, par rapport à janvier 2023, tous secteurs confondus. Des résultats qui sont dus à l’inflation, plus élevée qu’il y a 5 ans, par le fait qu’il y a certaines inégalités avec des acteurs qui s’en sortent mieux que d’autres grâce au trafic des ventes Web, mais aussi par le fait que les soldes ont été mauvaises”, explique en préambule ce dernier, en charge de représenter, avec les équipes de la Fédération, 310 enseignes et 60 000 points de vente du secteur.
“Le commerce spécialisé a d’ailleurs vécu une année en dents de scie. Et ce à travers 4 phases : un bon mois de janvier 2023, une dégradation jusqu’en mai et, à nouveau, une période de rebond grâce au décalage des soldes avec +10 % de croissance. Avant un nouvel éboulement au 15 août avec le contexte stressant de la rentrée des classes, les arbitrages budgétaires et la hausse du coût du carburant”, étaye Procos.
L’habillement et la chaussure s’enfoncent, le sport remonte
Parmi les filières les plus concernées par les arbitrages des consommateurs, la chaussure (- 5 %) qui peine a décoller autant en magasin que sur le Web, l’habillement (-2,6 %), ou encore la maison (-1,7 %). Mais le panel cite aussi la restauration, dont l’activité est en baisse de 5,1 %. L’activité des commerces de sport, elle, s’établit à 3,6 %. “Le marché du sport est en partie dynamisé par la vente de textile et la location de vélos chez les clients hyper-urbains, il pourrait être soutenu grâce au contexte des Jeux olympiques et paralympiques cet été, s’interroge le délégué général de la Fédération. Pour le secteur de la maison, on pourrait penser qu’il s’agit d’un effet de rebond à cause des ventes importantes de meubles pendant les périodes de confinement et la hausse du coût des matériaux, mais c’est difficile à dire. On note aussi, parmi ces tendances générales, des acteurs de la restauration qui baissent la livraison en raison des coûts trop élevés pour figurer sur les plateformes.” Le chiffre d’affaires des restaurateurs a en effet évolué de 11,5 % en février 2023, puis baissé à 3 % au mois de décembre 2023.
L’alimentaire progresse comme la beauté-santé
À l’inverse, l’alimentaire spécialisé à progressé de 1,3 %, comme le marché du jouet (cadeaux et articles de culture inclus) de 3,1 %. Les services ont également été très plébiscités par les Français au cours des 12 derniers mois. Notamment les acteurs de l’optique (1,9 %). Quant au marché automobile, il profite des ventes de voitures électriques (+ 7,4 %).
“Précisons également que si le secteur de la maison a mauvaise mine, ce n’est pas le cas des ventes du petit électroménager, ni de la literie, qui, elles, sont positives. Ceci étant corrélé au ralentissement du marché de la construction”, renchérit le porte-parole de la Fédération. Et ce dernier de citer, pour exemple, le fait que “4 Français sur 10 ont réduit leurs dépenses en équipement de la maison l’an dernier et que 62 % ont renoncé à l’achat d’un bien technique, inflation oblige.”
Côté enseignes de beauté-esthétique cette fois, tous les voyants sont au vert (+ 7,7 %), décrypte encore Emmanuel Le Roch. “C’est le cas des parfumeries qui ont augmenté leurs prix malgré le contexte d’inflation et ont fait des promotions derrière pour attirer le client. Ce qui a mécaniquement contribué à l’augmentation des volumes de ventes. Le contexte a aussi profité aux enseignes dont l’offre était déjà accessible, comme à celles qui proposent des produits d’entrée de gamme.”
Quant à l’alimentaire spécialisé, “les ventes ont globalement stagné sur l’année malgré un bon mois de décembre, festivités obligent. C’est le cas des chocolatiers, acteurs de l’épicerie fine et des cavistes inclus dans cette catégorie”, étaye ce dernier.
Un besoin d’épargner
Pire encore, l’activité des magasins a été la plus dégradée pendant les soldes, que sur la totalité du mois de janvier, entre le 10 janvier et le 6 janvier 2024, période identique de promotions comparé à 2023. Preuve que ces opérations marketing (dont Black Friday) n’ont plus l’effet escompté qu’auparavant chez les Français. Mais, qu’à l’inverse, l’intérêt des consommateurs grandit pour les offres de reprise/ seconde main (Vinted notamment).
Même chose pour les articles alléchants, car bradés, en provenance de la fast fashion étrangère. “Temu, Shein en sont des exemples. Le commerce a du mal a lutter contre cette concurrence agressive à cause des accords de libre concurrence. Et c’est un vrai problème pour les commerçants”, constate la Fédération.
Et ce, alors que le volume de vente d’habillement tricolore est au plus mal avec une baisse de 5,2 % en euros constants, comparé à la période pandémique, alors que les prix ont augmenté. Le poids de l’habillement (tous types confondus) est ainsi passé de 4 % en 2012 à 3, 2 % en 2021, dans la dépense des ménages. “Preuve que l’on fera plus de dépenses contraintes que de dépenses plaisir ou loisirs pour épargner”, conclut le délégué de Procos.
Prochaine étape ? Surveiller le trafic en magasin lors des épreuves olympiques de l’été 2024. Et mesurer l’incidence de ce rendez-vous mondial sur les différentes filières du secteur.