Choisir le bon emplacement
Bâtir sa réputation prend du temps. Mais nécessite avant tout d’avoir trouvé le bon emplacement. Soit “de bien connaitre sa (future) zone de chalandise. Car la connaître, c’est savoir à qui l’on s’adresse! Et avoir identifié ses forces et ses faiblesses pour savoir où et comment on pourra y rayonner”, explique Nicolas Louis-Amédée, directeur du développement chez Territoires & Marketing. “Il faut donc l’étudier en amont de l’ouverture, au travers d’études de géomarketing. Puis la réétudier une fois en place car nombreux commettent l’erreur d’oublier ce détail. Et une fois la tête dans le guidon, rattrapent ensuite difficilement leur retard !”
Sa réussite, Philippe L’Herminé, multi-franchisé du réseau de boulangeries Sophie Lebreuilly (Boulogne-sur-Mer et Saint-Martin-les-Boulogne), la doit d’ailleurs à sa patience et à sa recherche affûtée de locaux.
“Je ne suis pas parti de rien car j’avais déjà ouvert d’autres points de vente sous enseigne en amont. Et étais aussi originaire de Boulogne-sur-Mer. Mais chercher un local, en 2017, qui soit adapté à l’activité de boulangerie, n’a pas été très évident. Avant tout parce que le dirigeant n’avait que des unités en succursale et pas encore de franchises, mais aussi parce qu’il me fallait suffisamment de surface pour y inclure des places assises. Et du temps pour obtenir l’aval de la mairie pour ouvrir”, nous raconte le franchisé. “J’ai d’ailleurs choisi d’ouvrir dans un quartier de pêche où il n’y avait aucun commerces alentours afin de créer une offre attendue des locaux”. Pour la seconde ouverture, à l’autonome 2022 cette fois, “la clientèle a afflué encore plus vite car j’ai racheté un ancien dépôt de pain, déjà bien fréquenté et connu des locaux, se souvient le gérant. Je fais même 30 % de croissance de plus que mon prédécesseur !”
Dès lors, “disposer de la data du franchiseur devient primordial pour anticiper sa réussite et commencer à capter du flux”, détaille Territoires & Marketing. “Aussi parce que sans outils de géomarketing, vous n’aurez, ni vous ni votre franchiseur, de connaissances sur vos clients. Sans ça non plus, pas d’outils de fidélisation client, ni la possibilité d’identifier ses zones de communication prioritaires à l’échelle locale, qui doivent justement avoir lieu en amont de ces stratégies de fidélisation. Sauf si le franchisé bénéficie déjà d’un flux naturel, apporté par d’autres commerces à proximité”.
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Travailler ses outils de séduction
Une fois l’emplacement trouvé, place à l’utilisation des outils de fidélisation ; dispositifs dont le fonctionnement varie en fonction du secteur d’activité choisi (et la récurrence d’achat des clients).
“Chez Sophie Lebreuilly, les franchisés bénéficient de campagnes de fidélisation, d’opérations couponing ainsi que de la carte de fidélité, liste Philippe L’Herminé. Mais on a beau avoir des clients journaliers, on ne les voit finalement que quelques minutes par jour, contrairement aux restaurateurs qui eux, les servent durant une heure ou deux. Le défi, pour un boulanger comme moi, consiste donc à séduire en peu de temps. Et faire en sorte que la clientèle quotidienne ne se lasse pas de ce que je propose !” Il est d’ailleurs à l’origine du projet de modernisation de la carte de fidélité du réseau. “La carte papier, au début et déjà adoptée en succursale, est désormais magnétique. J’ai poussé cela pour que l’on puisse mieux disposer des données terrain. Et que, par la data, on apprenne chacun à mieux connaître nos clients. Et puisse leur proposer des offres adaptées à leurs attentes”, estime le commerçant.
L’objectif du programme de fidélité selon Nicolas-Louis Amédée ? “Permettre aux franchisés et à leur franchiseur de boucler la boucle de façon vertueuse et profitable à tous. D’où l’importance de récupérer via cette carte, les adresses postales des clients. Car ce sont des données essentielles pour démarrer une étude de géomarketing et analyser le potentiel de la zone de chalandise en question. D’autant qu’une fois ledit commerce ouvert, vous pourrez adresser des publicités ciblées ou capter des prospects situés à proximité immédiate, ou en zone limitrophe”. Plus tard encore, ajoute ce dernier, “vous pourrez suivre ces comportements d’achats pour rester dans la tendance. Ou bien adresser des recommandations selon les derniers achats effectués aussi”, ajoute ce dernier. Enfin, disposer de data clients permet de valoriser son fonds de commerce : “Surtout le jour où vous décidez de le céder à un repreneur et de lui revendre votre fichier client”.
Le secret de la coopérative JouéClub pour recenser près de 4 millions de clients encartés en France dans ses 300 magasins ? Avoir mis en place des mécanismes pour faire (re)venir les familles en magasin, tout au long de l’année. Et optimisé ses outils d’analyse de données clients. “L’enseigne propose la carte magique JouéClub. La règle, c’est de n’attribuer qu’une carte par famille. Les grands-parents ont aussi leur propre carte. Mais l’on rattache les enfants à cette même carte afin de ne pas fausser le calcul. Et pouvoir différencier nos communications ; comme les recommandations produit, par exemple, explique Isabelle Ferey, directrice marketing communication adjointe au sein de l’enseigne. Nous n’avons pas non plus mis en place de programme de parrainage, estimant qu’il pourrait fausser les éléments de notre base de données. Ce système semble plus adapté aux acteurs qui n’ont pas, ou doivent renforcer, la proximité avec leurs clients. Et cela n’est pas notre cas”.
Et puis, complète Isabelle Ferey, “le système de fidélité est géré par la centrale d’achat de l’enseigne, en complément de l’envoi de l’e-mailing de bienvenue. Il rappelle aux clients leurs avantages et comment fonctionne le programme de points. Points à convertir en bons d’achats ensuite. Mais nous pouvons aussi leur envoyer un chèque de fidélité, en format papier cette fois, à l’approche de l’anniversaire d’un enfant.”
En matière de data, toujours, le spécialiste du jouet qui se prépare à l’euphorie des fêtes de fin d’année, ambitionne aussi, au même titre que le réseau de boulangeries, de dématérialiser son programme de fidélité. “Nous allons travailler sur la digitalisation d’un porte-monnaie électronique via le site de l’enseigne et sur l’ajout d’une liste de souhaits en ligne pour les familles. Car il y a deux ans encore, seuls 50 % de nos clients venaient avec leur carte matérialisée en magasin”, note la direction marketing pour qui les efforts ont payé. Avec une carte de fidélité qui apporte beaucoup plus de trafic en magasin : “Avec la carte de fidélité, nous avons une à deux visites supplémentaires par client encarté et un panier moyen hors saison de dix euros supplémentaire, comparé au panier habituel”, admet l’enseigne.
D’autres, comme l’enseigne 3 Brasseurs, récompensent la fidélité client avec des dégustations gratuites. “La carte fidélité permet à ses détenteurs, soit 164 671 clients encartés au mois d’octobre, de déguster gratuitement la bière du mois. Tout en sachant que chaque franchisé brasse sa propre bière locale, en complément de l’assortiment demandé dans le contrat de franchise, ce qui singularise les lieux”, déclarent Benjamin Louf, directeur franchise 3 Brasseurs France et Jonathan Habib, directeur général opérationnel France.
Un franchisé peut aussi cibler les boîtes postales (en accord avec le dispositif Oui Pub et le RGPD), situées à proximité des/ du point de vente, pour se faire connaître et inspirer une (re)visite. “Opérations de boîtage, actions spéciales auprès des publics d’entreprise, animation dans la rue avec ou sans rabatteurs, coupons de réductions temporaires et animations à l’inauguration, tous les moyens sont bons pour capter l’attention des passants et tenter ensuite de les fidéliser, intime ainsi Nicolas-Louis Amédée. À condition de savoir gérer son budget prévu pour ne pas tout dépenser d’un coup. Et de ne pas s’y engager sans avoir la certitude que cette opération aura l’effet escompté”.
Dès lors, s’il existe une multitude d’idées pour travailler la fidélité client, le plus important consiste à miser sur plusieurs canaux/leviers à la fois. Chez JouéClub, par exemple, “la base de données détient 95 % d’informations postales, 70 % de renseignements mails et sms quand 70 % de nos clients sont considérés comme actifs”, détaille Isabelle Ferey. Autrement, intervient Philippe L’Herminé, “on peut miser sur des offres éphémères. Comme l’offre 1+1; soit une baguette achetée une offerte, que j’ai mise en place en ouvrant ma seconde adresse, par exemple. Ou alors offrir quelque chose à vos 100 ou 300 premiers clients!”
Place aussi au cash back, bien qu’il suscite encore une certaine défiance de la part des consommateurs. Comme l’explique en effet le dernier bilan satisfaction consommateurs en matière de programmes de fidélité des entreprises, réalisé par le cabinet de conseil Converteo*, la volumétrie de conversation à ce sujet est en baisse par rapport à l’an dernier (-6,22 % de mentions). Et prouve que les publics perçoivent cette technique comme un moyen pour les marques de collecter (et/ ou revendre) des données sans rien/peu offrir en retour. Mais aussi perçue comme une prise de parole trompeuse ou une arnaque, dans 94 % des cas, voire méconnue ou peu comprise par les consommateurs.
Bien animer son point de vente
Si un commerce se différencie par ses offres ou par ses prix, il faut aussi travailler son ambiance. Le but étant de le façonner à son image et de lui donner de l’authenticité (même en réseau) et un esprit convivial. “C’est là qu’est sa valeur ajoutée car c’est l’humain qui fait la différence avec d’autres points de vente! À lui ou à elle de travailler cette fibre et de savoir quand et comment se renouveler pour rester attractif”, rappelle Nicolas-Louis Amédée. Ce que fait Palais des Thés en offrant depuis des débuts, “un thé d’accueil à chaque client qui passe la porte”, indique François-Xavier Delmas, son pdg et fondateur.
Un autre parti pris consiste à tout miser sur l’animation locale en magasin et à jouer la carte de la proximité avec ses cibles, à l’image de la politique menée par les adhérents de JouéClub. “Les adhérents peuvent inviter leurs clients au moment de la sortie du catalogue, ou même créer des évènements festifs. Notre adhérent de Saint-André-de-Cubzac (33) a déjà fait appel à des prestataires de châteaux gonflables et aux services d’un traiteur local, par exemple. Mais pourquoi pas aussi des soirées jeux de société pour nos clients kidultes, comme l’a fait notre adhérent de Gap (05)”, illustre Isabelle Ferey.
Priviliégier ses meilleurs clients
Place aussi aux soirées en petit comité. Comme ce que font les équipes de vente (et les franchisés) de l’enseigne Palais des Thés. “Nous incitons, sans obliger pour autant nos franchisés à le faire, à inviter leurs meilleurs clients en points de vente afin de leur proposer des soirées dégustation de thé. Tant pour les néophytes, que pour les connaisseurs. Notamment autour d’accords thé et chocolat ou thé et fromage, par exemple, indique le pdg de l’enseigne. Le but étant de leur faire découvrir un produit et son histoire, au-delà d’inciter l’acte d’achat”. D’ailleurs, estime Isabelle Ferey, “la fidélité n’est pas que dans la promotion, mais bel et bien dans l’attention et ou le service particulier. C’est ce qui fera la différence avec le prix ou la promotion. Il faut avant tout créer des habitudes avant de vouloir créer un attachement à la marque”. Ce pourquoi, intime cette dernière, “trouvez des clients qui deviendront porteurs de la carte de fidélité, générez une seconde visite et créez une récurrence d’achat. Générez ensuite une offre ou une inspiration pour générer une 3ème visite. Et à partir de là seulement, vous créerez des habitudes et des affinités”.
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Faire permuter sa clientèle
Un enjeu d’autant plus important dès lors que vous devrez gérer deux adresses sous enseigne. Mais qui, par leur proximité quasi-immédiate, vous permettront d’équilibrer le flux client. “J’ai très vite informé mes clients de l’ouverture d’une seconde boulangerie. Ce qui était d’autant plus pratique pour certains, comme pour moi, en cas de rupture de stock d’un produit. C’est à dire pouvoir les envoyer là-bas si besoin, ou faire venir le produit demandé en question ici. Je peux donc envoyer la clientèle d’une adresse à l’autre. Comme jongler avec le personnel mobile pour un éventuel dépannage, détaille Philippe L’Herminé. Mais au-delà de la carte fidélité, ce sont avant tout la qualité de service et l’accueil, qui font la différence avec les magasins concurrents. Et des collaborateurs bien formés qui font peser la balance du bon côté aussi !”
Carte de fidélité, animation, personnalisation, les leviers ne manquent pas pour se faire apprécier et faire de son magasin un lieu de destination. Si toutefois, le candidat s’engage en franchise en connaissance de cause. “Sachez anticiper de futures difficultés malgré un bon décollage de l’activité. Et ce, au moins sur deux ans. Et ne faites par l’erreur de penser que l’emplacement fera le reste et que le flux viendra tout seul. L’énergie ne doit pas retomber après l’inauguration”, appuie l’expert. Ses ultimes recommandations aux franchisés ? “Incitez vos clients à laisser un avis sur leur passage en magasin, bons pour votre référencement. Et n’oubliez pas que, si vous incarnez une marque, le franchiseur a aussi un fort rôle à jouer pour assurer la réussite et la visibilité de ses franchisés!”
*Méthodologie Converteo : 17 445 verbatims analysés entre août 2021 et septembre 2023 autour d’une collecte des prises de paroles spontanées d’internautes mentionnant leur programme, carte ou tous autres avantages liés à la fidélité, à l’aide d’une IA. Et sur tous les secteurs d’activité (CHR, alimentation, jeux, retail, bancaire, etc).