Le franchisé est présumé être un commerçant ou un artisan indépendant. Aussi, quand il tombe malade, sa franchise est menacée. Stéphane Grac, docteur en droit, avocat au barreau de Nice, fait le point.
Nous sommes ici au cœur de la tension entre la nécessaire mise en retrait de l’individu liée à son besoin de soins et de repos et les impératifs économiques et financiers du franchiseur et de son réseau d’occuper le terrain et de faire “tourner la franchise”. Deux logiques contradictoires sont ainsi amenées à s’affronter.
Dans cette optique, la réalité se présente sous un jour complexe et déterminera en fait laquelle des deux prendra le pas sur l’autre.
En clair, doit-on systématiquement privilégier l’homme, surtout lorsqu’il est fragilisé par la maladie, ou au contraire doit-on parfois sacrifier le franchisé, perçu dans sa seule dimension d’acteur économique, aux nécessités et contraintes de l’intérêt collectif des membres du réseau ?
La question mérite d’être posée. La réponse quant à elle revêt une complexité qui ne peut s’apprécier qu’à l’aulne de la casuistique factuelle de chaque situation.
Définir le contexte
Ainsi, sans pour autant opposer l’homme au système, il faut garder à l’esprit que tout dépendra de l’éclairage apporté et du contexte rencontré (nature de la maladie, durée de l’indisponibilité, place du franchisé dans le réseau, importance des liens tissés entre les partenaires, impact notamment économique de la situation sur le franchiseur, sur le réseau et sur ses membres…).
En toute hypothèse, le franchisé quand bien même il serait gravement malade ou accidenté, ne bénéficie d’aucune protection légale spécifique en tant que telle vis-à-vis du franchiseur.
Il pourra toutefois se prévaloir du support des organismes sociaux tels que le RSI si c’est un travailleur non salarié, de l’Urssaf s’il est salarié (associé gérant minoritaire) ou des assurances spécifiques complémentaires qu’il aura pu souscrire. Néanmoins, en sa qualité d’indépendant, il doit juridiquement assumer les risques et aléas de son activité.
Il ne peut s’abriter derrière aucun texte de loi, ni derrière aucune clause de son contrat de franchise (qui de toute façon en est généralement dépourvue), pour se protéger contre sa propre indisponibilité. Il est seul, et souvent pas ou peu accompagné par son partenaire…et pour cause, le responsable du réseau n’osera pas s’investir directement, étant lui-même quelque peu brimé par le risque de la requalification juridique en gestion de fait. En effet, et quand bien même le franchiseur, arguant de l’intérêt supérieur du réseau ou de son obligation contractuelle d’assistance pourrait être incité à intervenir, au besoin en se substituant à son partenaire défaillant involontaire, il doit le faire avec le plus grand discernement.
Ceci d’autant qu’il existe un aléa non négligeable de requalification en salarié de fait du franchisé (en ce sens l’ensemble de la Jurisprudence rendue sous le visa de l’article L 781-1 du Code du travail). Cet aléa est d’autant plus significatif, qu’aucune obligation juridique spécifique d’intervention n’est imposée au responsable du réseau par la réglementation applicable, si ce n’est son devoir moral de loyauté envers son franchisé en souffrance. Aussi, et si la maladie ou si la mise en retrait persiste au-delà du raisonnable, le franchisé devra trouver avec le franchiseur des alternatives acceptables, car les loyers, charges, contributions, redevances et frais divers continuent en principe à courir.
Quelles solutions ?
Plusieurs hypothèses peuvent alors être envisagées, la poursuite de l’activité avec un responsable de l’entreprise, avec le conjoint ou un membre de la famille, si celui-ci est notamment déjà impliqué dans l’affaire, la fermeture momentanée ou définitive du point de vente ou encore la cession de la franchise et/ ou du fonds de commerce à un tiers agréé par le franchiseur, etc.
Il faudra cependant dans tous les cas de figure que le franchisé s’entende avec son franchiseur, car celui-ci a généralement pris soin de préciser dans le contrat, qui constitue l’ossature de son réseau, qu’en cas d’indisponibilité prolongée de son co-contractant, il pourra solliciter la résiliation de la franchise concédée et qui plus est aux torts exclusifs du signataire.
En pareille hypothèse, le franchisé subit ainsi la double peine, non seulement il lui appartiendra d’endurer les affres de la maladie, mais il devra aussi souffrir les maux de la blessure psychologique liés à son rejet et à son éviction du réseau.
Dans ces conditions, le franchisé fragilisé dans son corps et son esprit et qui plus est généralement économiquement asphyxié par son impossibilité d’exercer, n’est manifestement pas en position de force pour négocier et imposer son point de vue au franchiseur, notamment pour maintenir son activité ne serait-ce qu’en sommeil. Il aura d’autant moins de marge de manœuvre que les contrats de franchise sont en général conclu intuitu personæ, autrement dit en considération de la seule personne du franchisé…et de personne d’autre. Ce qui signifie que l’implication personnelle et exclusive du franchisé est fondamentale et que sans sa présence, il ne saurait y avoir de relation contractuelle.
À cette fin, la plupart des franchiseurs prennent soin de préciser dans le contrat de franchise qu’ils font signer à leurs franchisés le caractère déterminant de cet aspect sans lequel ils n’auraient pas contracté.
Dès lors, le franchisé n’a pas d’autre choix que de chercher à s’entendre avec le responsable du réseau, afin de trouver un accord, le temps que tout rentre dans l’ordre (à condition bien sûr que cela soit possible). Cette démarche est d’autant plus légitime que franchiseur et franchisé sont engagés dans une aventure économique commune ou de la réussite de l’un, dépend la réussite de l’autre. De sorte que les partenaires ont un intérêt commun à gérer et surmonter ensemble cette problématique délicate qu’il faut espérer momentanée.
En pratique, ce sont dans ces circonstances tout à fait exceptionnelles que le rôle du franchiseur prend sa véritable dimension fédératrice et inter indépendantiste et qu’il acquiert par ses actes toutes ses lettres de noblesse.
Or, nous sommes davantage ici sur le registre de la bonne volonté et de la compréhension de la difficulté de l’autre, que sur celui de l’application stricte du droit, même si à terme le franchiseur ne manquera pas de faire prévaloir son point de vue, nécessités économiques et d’image de son réseau obligent. En pareilles hypothèses, le franchiseur disposera ainsi de deux options, généralement successives, s’orienter vers une “assistance” et un “accompagnement bienveillant” plus ou moins actif selon les cas ou au contraire opter pour l’application stricte de la loi du marché et du contrat passé, en faisant en sorte que la relation prenne fin.
Le franchiseur imposera alors à son franchisé le fait de retirer ou pour le moins de ne plus utiliser son enseigne, sa marque, son logo et d’une manière générale tous les signes distinctifs de son réseau ainsi que de lui restituer tous les supports de son savoir-faire (bible, documents publicitaires…). Au final, et même si le titulaire du réseau fait preuve de la plus grande bienveillance et d’une infinie compréhension à l’égard du franchisé, il n’en demeure pas moins que le statut de franchisé ne s’accommode que très difficilement de l’état de malade.
L’exprimer est une chose, en prendre conscience en est une autre !
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