L’entreprise italienne, fondée en 2004 par Oscar Farinetti, a déployé un concept bien particulier, reposant sur trois principes : permettre aux clients de déguster des produits italiens dans des restaurants, acheter ces produits sur place, et apprendre les secrets de la gastronomie italienne à travers des cours de cuisine. Depuis l’ouverture du premier magasin en 2017, à Turin, Eataly a séduit le monde entier en se déployant dans 15 pays à travers 50 magasins. De New York à Séoul, en passant par Sao Paolo, ce temple de la cuisine italienne avait de quoi embarquer les Français, grands amateurs de restauration italienne.
C’est pourquoi le groupe Galeries Lafayette a obtenu la licence exclusive de la marque et a lancé Eataly Paris Marais en 2019. Avec sept espaces de restauration, des caves à vins, et des cours de cuisine, le magasin devait être promis à un bel avenir. Il a cependant enregistré une perte de 3,8 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2023, selon L’Informé.
Un problème de taille
Une issue presque inévitable, selon Bernard Boutboul, pour qui la raison de cet échec est avant tout liée à la superficie du lieu : « Ce n’est pas un problème de gestion des Galeries Lafayette, selon moi, ils n’auraient pas dû s’implanter là. » Il prend, pour exemple, l’une des premières unités de l’enseigne, ouverte dans la périphérie de Rome, occupant une surface de 17 000 m². « C’est plus grand qu’un hypermarché, souligne-t-il. Oscar Farinetti a monté ce que j’appelle le temple de la très bonne alimentation italienne. Car vous pouvez aller y faire vos courses, y déjeuner ou dîner, y prendre des cours de cuisine italienne. Cela fait énormément d’activités et de possibilités autour de l’alimentation italienne. »
Bien loin des 17 000 m², le magasin parisien n’aurait pas su garder l’esprit qui a fait du concept un succès à l’international. « Le concept s’est rapidement déployé à Milan et à New York sur des surfaces allant de 6 000 à 10 000 m². Parce qu’il a besoin de cette surface pour s’exprimer, poursuit Bernard Boutboul. Cela fait 10 ans qu’Oscar Farinetti voulait absolument entrer à Paris. Mais il n’y a pas ce genre sur superficie dans Paris intra-muros et il ne souhaitait pas aller en périphérie. Quand Galeries Lafayette a fait une offre, il a cédé. Le problème, c’est que sur près de 3 000 m², le concept n’arrive pas à s’exprimer, ce n’est plus qu’une épicerie italienne dans laquelle on peut aller grignoter. »
« Il ne faut pas dénaturer les concepts »
Cette règle s’applique pour d’autres enseignes, comme Ninkasi ou Novick’s Stadium, qui, en dessous de 1 500 m² « n’ont pas de sens », selon le président de Gira. « Il ne faut pas dénaturer les concepts prévus pour les grandes surfaces (…) Je pense qu’Eataly Paris Marais a cassé l’âme du concept. »
Parmi les raisons qui ont pu conduire à ce résultat, on peut citer le manque de places assises, qui, par conséquent, ne fait pas du lieu une destination en soi : « Aux Etats-Unis et en Italie, ils ont énormément de places assises où l’on peut se poser, faire du coworking, etc. Ici, il y a très peu de place, à 12h30, c’est déjà plein. Mais cela revient au problème de départ : c’est trop petit. »
Quel avenir pour la franchise Eataly à Paris ?
Si les Galeries Lafayette n’ont pas développé la franchise Eataly en France, le groupe italien entend bien reprendre la main sur son expansion dans l’Hexagone. « Cette opération permet à Eataly de devenir encore plus fort et de développer davantage nos activités en France, a déclaré Andrea Cipolloni, directeur général d’Eataly. Depuis l’ouverture de notre premier magasin en 2019, ce pays représente pour nous un marché très important. »
« Eataly est un très beau concept, ajoute Bernard Boutboul, qui revient sur le magasin en périphérie de la capitale italienne. Le magasin est à 50 kilomètres de Rome, au milieu des champs. Les Romains prennent leurs voitures et viennent faire leurs courses et mangent sur place. Ils ont un temps de stationnement long, c’est un autre modèle de consommation. »
L’enseigne a effectivement bien l’intention d’expérimenter de nouveaux emplacements. « À l’avenir, nous élargirons notre présence dans des grands aéroports comme Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly, et nous prévoyons également de nous développer dans les gares et des emplacements stratégiques dans les principales zones urbaines », a confié Andrea Cipolloni. Peut-être qu’un développement en périphérie offrira au concept la chance d’exprimer pleinement son potentiel en France.