En plein cœur de Paris, un vendredi en fin d’après-midi, c’est l’effervescence à la gare Montparnasse. Entre ceux qui finissent leur journée de travail et utilisent l’une des quatre lignes de métro du hub et ceux qui veulent sauter dans un train pour s’évader le temps d’un week-end, c’est toute une fourmilière qui s’active. Mais dans un cadre qui se veut agréable : grands volumes et lumières pour plus de clarté, parcours repensés et, surtout, une offre pléthorique de commerces variés. Courir vers son train un journal sous le bras, un gobelet de café à la main ne suffit plus. Désormais, gares (et aéroports) se dévoilent sous un nouveau jour. « Il y a clairement une volonté de créer des pôles de vie, confirme Philippe Azerarak directeur exploitation franchise Fnac. En attendant leur train ou leur avion, les visiteurs aiment flâner. C’est pourquoi, nous adaptons nos concepts pour qu’ils soient encore plus agréables à vivre. Par exemple, quand la place le permet, nous revoyons notre mobilier et nous ajoutons des poufs, des canapés et des fauteuils. » Pour une respiration bienvenue entre deux trajets.
La Fnac compte 60 points de vente en travel retail. Le dernier en date ? Celui de la gare RER de Paris La Défense. Ouvert en décembre dernier, il s’agit de la troisième boutique Fnac présente sur le réseau de transports francilien, soit un espace de 250 m² dédié à la culture et aux produits tech, dans un format « travel ». Avec une telle surface réduite (en comparaison avec les magasins Fnac en centres-villes ou en zones commerciales), forcément, il faut une offre ciblée au plus juste, axée sur la mobilité. « Les clients de travel ont surtout tendance à acheter des accessoires pour leur téléphone ou pour écouter de la musique, ou à éventuellement acheter un livre », précise Philippe Azerarak. L’enjeu pour l’enseigne ? Répondre à un besoin de voyage, tout en préservant son ADN. »Cela reste une clientèle de passage, mais une clientèle qui connaît notre marque et qui l’embarque volontiers dans son trajet », assure Philippe Azerarak.
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Le travel retail est une occasion de fidéliser autrement sa clientèle, tout en favorisant l’achat d’impulsion… « Nous avons la même clientèle qu’en boutique, constituée à moitié d’étrangers et à moitié de Français, préciseVincent Renard, directeur commercial de Panier des Sens. Avec le travel retail, nous touchons tous les voyageurs. Mais il faut, effectivement, proposer des produits d’impulsion. Et légers, car faciles à transporter. » L’enseigne de cosmétiques naturels se distingue par son imagerie à la française. Pour elle, l’international représente un marché de choix : il pèse d’ailleurs pour 65 % de son chiffre d’affaires. Et le travel retail, 5 %, grâce à une présence dans des aéroports du monde entier.
Une clientèle à chouchouter
Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, même si la clientèle en travel retail n’est que de passage, la relation à entretenir avec elle est loin d’être éphémère. Au contraire, c’est un autre genre de relation qui se noue, comme le confirme Nicolas Mouche, directeur du réseau Le Club Café : « Nous nous rendons compte que nous faisons encore plus partie du quotidien de nos clients et nous apportons une sorte de réconfort, quelque chose de positif. Au final, cela devient une clientèle récurrente, d’habitués qui, une fois en gare, viennent spécifiquement nous voir car ils connaissent l’enseigne. » Le spécialiste des boissons chaudes, fondé en 2004, s’est ouvert au travel retail en 2008, avec un premier point de vente dans le métro lillois. Il a depuis dépassé la barre des 50 points de vente et le travel retail représente 25 % du réseau, répartis entre des stations-service sur autoroute, des gares TGV et de métro à Lille et à Lyon. Et l’enseigne entend bien continuer à progresser sur ce segment !
« Il y a une vraie croissance. Par exemple, à la gare de Lille Flandres, nous exploitons un kiosque de 12 m2 et nous dépassons les 950 000 euros de chiffre d’affaires hors taxes. Sur une superficie pareille, il n’y a rien de comparable dans le réseau. Nous voulons continuer à accélérer car le succès est au rendez-vous, tout simplement », affirme, ravi, Nicolas Mouche. Et les chiffres de Xerfi lui donnent raison. De manière générale, le travel retail a le vent en poupe : en 2022, il a représenté 6,7 milliards d’euros en France ! D’après Xerfi, les ventes dans les zones de transit continueront de progresser de 7 % par an en moyenne, pour atteindre, en 2025, les 8,2 milliards d’euros. La raison d’une telle envolée ? Le retour des touristes post-pandémie, bien sûr, mais aussi l’effet d’aubaine des prochains Jeux olympiques de Paris et, comme déjà mentionnée, la transformation des infrastructures qui se redéfinissent complètement.
Les surfaces commerciales s’étendent toujours davantage et d’autres opportunités seront ainsi à saisir avec les projets d’extension et de rénovation d’une part des aéroports tricolores (tels que Bordeaux-Mérignac, Marseille-Provence ou encore Nice-Côte d’Azur) ou d’autre part des gares (telles que Toulouse-Matabiau, Paris-Austerlitz ou Lyon-Part-Dieu). « La satisfaction d’un voyageur dépend pour 20 % de son expérience en gare. Or, le commerce en est l’un des principaux contributeurs, soutient Raphaël Poli, président de Retail & Connexions et directeur général adjoint de SNCF Gares & Connexions. Le commerce contribue à animer les gares, à créer une atmosphère chaleureuse et à enrichir l’expérience de voyage, notamment son temps d’attente. La qualité de service, le renouvellement et la diversité de l’offre sont autant de leviers de satisfaction. De plus, les commerces renforcent l’attractivité des gares, mais également celle des territoires. »
Toujours plus de services
Pour la filiale de la SNCF, il s’agit de repenser les commerces, en activant plusieurs leviers : le test & learn tout d’abord qui permet, avec les pop-ups stores ou de nouveaux concepts dans des espaces disponibles, de confirmer la pertinence en gare et la capacité à les exploiter. « Mais aussi, avec des occupants qui, lors des mises en concurrence, proposent une vision actualisée de leurs enseignes en gares, plus en adéquation avec les attentes qu’ils constatent et anticipent », ajoute le président. Ceci permet de multiplier les effets de nouveauté et d’attiser la curiosité des clients : « Les espaces en gare sont repensés pour répondre aux besoins des voyageurs, mais aussi des riverains. Une expérimentation est, par exemple, menée avec des espaces de travail Kabin, des espaces de coworking ont été déployés avec Multiburo et Régus, des centres de santé avec SoMeD, etc. L’objectif est de fournir plus de services dans plus de gares pour chaque client. »
Cependant, la restauration reste un élément central de l’attente des clients des gares et des aéroports. Pour preuve, l’appel d’offres remporté par Lagardère Travel Retail France sur l’activité « restauration » et mené par l’aéroport de Bâle-Mulhouse : l’opérateur remporte, pour six ans, cinq espaces de restauration dans l’aérogare. Les premières ouvertures se feront au dernier trimestre 2024 et se poursuivront en 2025, pour offrir aux passagers une nouvelle expérience culinaire avec des marques à l’univers très frenchy ou d’autres marques tournées, elles, vers la naturalité. Dans un communiqué, Lagardère Travel Retail France l’affirme : la RSE a été centrale dans le cadre de ce projet, « avec un vrai travail pour une offre locale et saine ; une attention particulière aux process opérationnels avec la gestion des déchets, la limitation des emballages et aussi une politique RH adaptée, avec des recrutements locaux, jouant sur la diversité et la formation et le développement continu des équipes. » Car si le travel retail s’emballe, il ne doit pas pour autant s’endormir sur ses lauriers. Les générations Y et Z représenteront 50 % des voyageurs aériens d’ici 2050, d’après les estimations du cabinet Keany. Seront-elles au rendez-vous des achats futurs, elles qui prônent les considérations environnementales et les achats raisonnés ? Le travel retail devrait éviter d’avoir un train de retard.