Le vent en poupe ! C’est presque un euphémisme pour qualifier le come-back du Made in France (MIF) depuis quelques années. La crise sanitaire, les difficultés d’approvisionnement et la quête de souveraineté nationale ont redonné toute sa légitimité à cette pratique longtemps cantonnée à quelques rares petites entreprises artisanales. Aujourd’hui, de l’État aux Régions en passant par les investisseurs, tous ne jurent que par la réindustrialisation et la relocalisation de filières délaissées par des décennies de Made in China. Quant aux consommateurs, de plus en soucieux de leur impact environnemental, ils sont désormais 64 % à avoir augmenté leur consommation de produits français dans leurs achats*. Un changement de cap et surtout une aubaine pour les réseaux de franchise déjà engagés, ou désireux de parier sur le bleu, blanc, rouge. Qu’ils soient fabricants-distributeurs ou simples revendeurs, ils trouvent enfin des soutiens pour investir dans des outils de production, grâce à des clients sensibles à leurs efforts pour favoriser les circuits courts ou les approvisionnements locaux.
Une nouvelle usine subventionnée par l’État
L’enseigne de meubles Gautier (78 magasins en France, dont 71 en franchise) illustre parfaitement cette remontada spectaculaire. Déjà forte de deux usines de production dans son fief vendéen et emblématique du MIF depuis les années 1960, elle a ouvert en 2022 une nouvelle usine à Saint-Prouant (85). Objectif de cette ligne de fabrication baptisée Batch One : faire du Made in France compétitif grâce à la digitalisation et à la robotisation. « Dans le cadre du plan de relance, l’État et la région Pays de la Loire nous ont accordé une subvention d’un million d’euros. Cette reconquête industrielle au cœur du terroir, dans notre ADN depuis toujours, va nous permettre de confirmer notre positionnement de fabricant/distributeur français », indique David Soulard, DG de l’entreprise. Ce fervent défenseur du MIF, « ambassadeur de la French Fab », avoue avoir accéléré le virage tricolore au bon moment. « Quand nous nous sommes lancés en franchise à la fin des années 2000, nous avons fait le pari de construire l’identité des magasins autour du fabriqué en France. C’était risqué et à contre-courant : l’entreprise se relevait d’un dépôt de bilan et, à cette époque, le Made in France était ringard et vieillot. Mais les magasins ont peu à peu porté et véhiculé cette image de qualité et de durabilité, si bien qu’aujourd’hui, nous sommes reconnus comme l’une des enseignes emblématiques du mobilier MIF », poursuit le dirigeant dont la persévérance a payé. Une cinquantaine de magasins devraient être lancés dans les cinq prochaines années.
De rares réseaux industriels
Ce modèle de « magasins-usines » est rare en franchise et peu de réseaux peuvent se targuer de fabriquer en France. « Ils sont peu nombreux, car cela suppose d’avoir et, un outil industriel et, un réseau de magasins. Avec le phénomène de délocalisation, beaucoup ont disparu », déplore Rose-Marie Moins, directrice du développement et de l’animation au sein de la Fédération de la franchise. Parmi les quelques franchises industrielles réchappées : Yves Rocher, bien sûr, qui, malgré la fermeture de tous ses magasins en Suisse et une réorganisation de la direction en septembre, continue de s’afficher comme l’un des réseaux fabricants et distributeurs leaders sur le marché de la cosmétique. La discrète entreprise familiale, qui fabrique ses produits dans son usine de la Gacilly en Bretagne, gère un parc de plus de 600 magasins. Tryba, dont la production des portes-fenêtres est réalisée en France depuis presque 40 ans, croit plus que jamais aux vertus du MIF. L’enseigne a investi 25 millions d’euros en 2018 pour moderniser et développer ses trois sites de production installés dans le Maine-et-Loire, en Haute-Saône et à Gundershoffen, en Alsace, son site historique. Ces réseaux souvent familiaux ont su préserver leur outil industriel : ils trouvent aujourd’hui avec le MIF de nouvelles alternatives de développement.
Du Made in France compétitif
De jeunes enseignes ont, elles aussi, fait du MIF leur étendard. Ainsi de Socoo’c, marque de cuisines appartenant au groupe Fournier (Mobalpa, Hygena, Perene…). Le réseau – 200 magasins, dont 125 en franchise – fabrique et assemble tous ses meubles de cuisine dans les trois usines savoyardes du groupe. « Un quatrième site de production ouvrira ses portes en 2024, notamment pour la fabrication des panneaux de décoration. Cet investissement montre notre volonté de développer le MIF et d’en faire une priorité dans notre offre », explique Arnaud Allantaz, directeur réseau, qui assure au passage rester compétitif en termes de tarifs : « Les coûts de transports sont bien plus bas que si nous fabriquions à l’étranger. Le panier moyen dans nos points de vente est compris entre 6 500 et 7 500 euros. » Honorable pour du Made in France, souvent jugé trop cher par les consommateurs. « Le fait d’être adossé à un groupe industriel nous permet de faire des économies d’échelle et de fixer des prix attractifs qui profitent in fine aux franchisés », renchérit Arnaud Allantaz. En vitesse de croisière, un point de vente SoCoo’c réalise 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires et affiche 8 % de rentabilité.
Une légion de revendeurs
Les candidats à la fibre patriotique peuvent également se tourner vers des réseaux revendeurs de produits tricolores. « Ils ne fabriquent pas, mais cherchent à faire travailler les producteurs locaux, à favoriser les circuits courts ou à relancer des filières. Après tout, c’est une des composantes du Made in France », analyse Rose-Marie Moins de la FFF. Que ce soit La Mie Câline, Big Fernand, la Grande Récré, Jouets Sajou ou les acteurs de la grande distribution (Carrefour, Casino…), tous proposent ou référencent un ou plusieurs produits d’origine française. Avec souvent une envie d’aller crescendo. Biocoop, dont 83 % des produits sont déjà d’origine France, souhaite ainsi que toutes les matières agricoles utilisées dans ses produits à marque soient produites en France et prioritairement issues de la filière « Nos paysan.ne.s Associé.e.s » d’ici à un an. Faguo, 36 magasins dont la moitié est en affiliation, commercialise de son côté des baskets Made in France depuis fin 2022, et travaille avec l’Atelier de confection 3D Tex de Saint Malo pour la confection de pulls en laine française. Même si ce n’est pas dans son ADN, la marque écolo et fair fashion s’est laissée séduire par les sirènes du MIF. Avec succès, sa basket tricolore « La Forest » s’écoule comme des petits pains.
Des valeurs recherchées par les candidats
Au-delà d’être tendance et vendeur, le MIF cache également des réalités plus vertueuses dans lesquelles franchiseurs et franchisés se retrouvent. Florent Mercier, co-fondateur de Pizza Cosy, un réseau de 68 restaurants dont l’offre est composée à 90 % de produits issus de la production française, y voit aussi un enjeu de souveraineté nationale : « Le Made in France, ce n’est pas qu’une question d’image ou de politiquement correct. En tant que franchiseur, j’ai à cœur de référencer des minoteries et des petits producteurs locaux. Non seulement, cela crée de l’emploi, mais en plus, cela réduit notre impact carbone. » Le franchiseur stéphanois sent aussi l’intérêt grandissant des candidats à la franchise pour son concept de pizzerias made in terroir. « Le Covid a généré des attentes différentes et fait surgir de nouvelles valeurs, analyse-t-il. Les franchisés veulent donner du sens à leur aventure entrepreneuriale et s’engagent à nos côtés pour des motivations de plus en plus éthiques. » Une nouvelle donne que les réseaux doivent désormais intégrer pour recruter des candidats de plus en exigeants.
* Sondage OpinionWay – 2020 pour l’agence Insign