Sourcer en circuit court est d’actualité chez les commerçants. Parlez-nous des origines de votre projet…
Sébastien Hubert : L’application avait pour objectif de favoriser la vente directe. Acheter autour de chez soi et trouver des articles fabriqués près de chez soi est de plus en plus demandé par les consommateurs. La preuve en est avec des rayons GMS qui sont de plus en plus fournis en la matière pour diversifier leur assortiment de produits. Et avec le secteur de la vente directe qui augmente chaque année de 15 %.
Problème, la demande est souvent plus forte que l’offre. Les commerces spécialisés et la GMS voudraient vendre plus d’articles sourcés localement mais travailler avec ce type de fournisseurs, très spécifiques, reste très compliqué. Non seulement parce que, côté commerçant ou franchiseur, ils sont difficiles à référencer et/ou ne communiquent pas assez sur leurs catalogues ou leurs tarifs. Mais aussi parce qu’on a quelque peu délaissé le commerce physique pour le commerce digital via les marketplaces. Et avec le digital, contribué à créer des intermédiaires entre commerçants et fournisseurs qui se rémunèrent sur des commissions.
C’est pourquoi nous avons déployé un outil qui pourrait à la fois satisfaire les commerçants vis-à-vis de leurs clients (et par rapport à leur stock) et de l’autre, (re)donner de la visibilité aux producteurs/fournisseurs au travers d’une interface commune avec des paramètres personnalisables. J’insiste sur un autre point qui est la multiplication des canaux de vente et des moyens d’échange entre fournisseurs et commerçants. Ce qui sur-stimule les uns comme les autres et brouille la communication.
Comment utiliser cette solution, que l’on soit franchiseur ou franchisé ?
S.H : L’outil fonctionne à la manière d’une boîte mail et assure les échanges entre commerçants et fournisseurs. Il digitalise tout le processus de commande. Avec lui, on peut générer des factures, suivre les stocks et même tracer ses commandes. C’est beaucoup plus léger qu’un outil ERP traditionnel* à déployer sur tout un parc commercial, à titre de comparaison.
Il y a plusieurs manières de l’utiliser. On peut aussi s’en servir en échangeant en interne entre franchiseur et franchisés d’un même réseau (avec centrale d’achats), ou bien en externe afin que des franchisés puissent aussi travailler avec d’autres personnes que leurs fournisseurs référencés. C’est idéal pour travailler à la fois en BtoC et en BtoB. Et toucher de nouveaux clients, y compris des cibles professionnelles en personnalisant ses tarifs, par exemple. Il en va d’ailleurs de l’intérêt commun du franchiseur et du franchisé puisqu’il s’agit de réaliser un maximum de chiffre d’affaires et d’écouler du volume.
J’en reviens à la surstimulation qui augmente la charge de travail en précisant que Lisy centralise tous les supports d’où proviennent les demandes (mails, marketplaces, etc.). Sans que l’on soit obligé pour autant d’utiliser Lisy pour répondre à son client et inversement. Il suffit d’y rattacher les e-mails.
D’où le concept de centralisation des commandes et de visualisation des stocks en direct. L’application fera le calcul nécessaire pour déterminer de quoi on a besoin pour alimenter à la fois son site, la marketplace dont on est partenaire et/ ou ses rayons magasins à la fois. Concrètement, cela revient à n’avoir qu’un seul tableau de suivi pour toutes ses commandes et à mieux piloter son mix produit en fonction des canaux de vente déployés. C’est aussi, pour la tête de réseau, la possibilité de suivre tous les mouvements internes au réseau.
On peut donc directement interagir avec des producteurs locaux…
S. H : En effet ! C’est non seulement idéal pour éviter les intermédiaires et les erreurs de calcul, puisque tout est automatisé et que le logiciel permet d’accéder à un historique de commandes, mais aussi pour celui ou celle qui voudrait travailler avec des fournisseurs non référencés par l’enseigne. Et parce que tous les producteurs et artisans ne sont pas encore passés à l’ère du digital.
Le producteur importe son catalogue dans l’application ou s’adresse à nos équipes pour le faire et entretient ensuite des échanges avec ses clients, dont il aura lui-même importé les contacts en amont. Nous ne sommes ni un annuaire, ni un acteur de la mise en relation, ni une base de recherche ou de référencement. Idem pour le franchiseur ou le franchisé. Il devra avoir démarché ses propres fournisseurs en amont sur sa région avant d’accéder à Lisy. Nous avons même été financés par la région Pays de la Loire pour la mettre en œuvre. La première version est d’ailleurs gratuite pour la mise en ligne basique du catalogue. La seconde, elle, est payante, via un abonnement si l’on veut accéder à plus de fonctionnalités.
L’usage de cette application reste privé…
S. H : Le client, franchisé ou franchiseur, visualise tous ses fournisseurs. Et le fournisseur, seulement ses clients. Mais aucun fournisseur n’a accès au catalogue de ses concurrents. Ce qui, là encore, évite toute mise en relation de notre part, et toute concurrence pour eux et entre eux. La relation est véritablement privée et individualisée. D’où l’apparence d’une boîte mail. Bonne nouvelle, nous allons maintenant traduire certains documents pour de potentiels prospects en Allemagne et en Angleterre.
En quoi, selon vous, Lisy va changer la donne ?
S. H : Le sujet de fond, c’est le déséquilibre du marché : les clients finaux désirent des produits locaux, sourcés tout près, tant par curiosité que par conscience écologique, ou les deux, mais se confrontent au silence des enseignes parce que l’offre n’est pas capable d’y répondre. Alors même que ces producteurs voudraient émerger via la vente directe ! Mais ils n’ont ni les codes ni les moyens ou la visibilité suffisante pour y parvenir. Et je ne crois pas que tous les producteurs de miel de France ou toutes les entreprises artisanales soient digitalisées à ce jour, alors que toutes les générations sont sensibles au made in France !
Et puis, Lisy répond à des problématiques de traçabilité, tant sur le suivi des commandes que du suivi des numéros de lots (pour des raisons sanitaires) que des problématiques de RSE. Nous contribuons donc, indirectement, à la réduction du gaspillage. Notamment en aidant les professionnels du commerce à faire les bons calculs pour éviter la perte d’invendus. Je considère aussi que mon associé et moi-même avons un rôle à jouer dans cette crise économique et agricole. Et dans la lutte contre la concurrence déloyale face aux importateurs de produits étrangers. Alors si nous pouvons aider les franchises, les acteurs de la GMS, et le secteur de l’alimentaire en général, à développer une offre locale et les producteurs à mieux anticiper les saisons à venir, on aura atteint l’objectif !
*outil informatisé qui permet le pilotage de l’entreprise