Faire la chasse aux requins et aux dinosaures ! Yohann Fievet n’y va pas de main morte pour décrire le marché de l’immobilier dans lequel il évolue depuis 25 ans. « Les acteurs du secteur, qu’ils soient en réseaux ou indépendants, font tous pareil, sans originalité, ni alternative. Je ne voulais pas créer une énième enseigne immobilière », explique l’entrepreneur qui a lancé RP Green (pour « Résidence principale ») en 2019. Son idée ? Dépoussiérer le marché avec une des premières franchises immobilières écoresponsables. « On ne le sait pas mais une agence génère en moyenne entre 500 000 et 1 million de prospectus et catalogues par an. Sans parler de tous les papiers relatifs à la vente ou à la location d’un bien (estimations, mandats, compromis…) et la consommation de carburant utilisée pour les visites clients ou les repérages de biens. L’activité laisse une empreinte carbone énorme », indique le franchiseur de 44 ans.
Porté par ses convictions environnementales, il a ouvert une agence pilote à Asnières-sur-Seine en 2019 : à l’extérieur, aucune enseigne lumineuse, à l’intérieur plus de papier, ni d’affichettes publicitaires ni d’imprimantes. Tout est digitalisé et dématérialisé. Quant aux déplacements, ils se font en mobilité douce. « On mise sur la marche à pied, la trottinette ou le vélo. Avec notre flotte de vélos électriques français Angell mise à la disposition de nos clients, nous sommes fiers d’avoir instauré les premières visites immobilières à faible impact écologique », revendique Yohann Fievet qui a franchisé le concept en février dernier après quatre ans de test. Objectif : une vingtaine d’ouvertures la première année.
Agiles et disruptives
Nombre de jeunes réseaux disruptent ainsi les marchés traditionnels et adoptent un esprit start-up. Les Opticiens Mobiles proposent par exemple des visites à domicile, la Compagnie des Déboucheurs (88 franchisés) intervient directement chez les particuliers (et les entreprises) pour désengorger les canalisations. Quant à l’animalerie Do&Ka (deux magasins franchisés), elle porte un regard neuf sur le marché avec sa gamme d’aliments sains pour les animaux et ses magasins nouvelle génération. « Nous constatons ce phénomène. De plus en plus de jeunes start-uppers nous consultent pour franchiser leur concept de rupture. Leur agilité et leur vision leur permettent de prendre des décisions rapidement et d’aller vite dans leur structuration », indique Emmanuelle Courtet, consultante chez Franchise Management.
Le digital mais aussi leur capacité à s’adapter continuellement leur font en effet gagner un temps fou dans l’exécution du projet. Armand Manival, fondateur en 2020 du réseau immobilier Zestia (transaction immobilière couplée à du courtage financier), peut en témoigner. Après trois bilans positifs qui lui ont permis d’éprouver la rentabilité de l’activité, il a franchisé en dix mois le concept. « La franchise, c’est comme une industrie avec une marque, un logo, une charte graphique, une homogénéisation des process, une vision du développement… Une fois que l’on a intégré cela, cela peut aller vite », confie l’entrepreneur qui compte recruter une petite dizaine de franchisés d’ici à la fin de l’année.
Pour tous, la franchise est souvent une évidence de départ pour se développer et gagner des parts de marché. « C’est un accélérateur, elle leur permet de déployer des points de vente sur l’ensemble du territoire sans avoir à investir dans des succursales, souvent plus coûteuses et moins rentables. En plus, la jeune génération de franchiseurs n’a plus envie de gérer les problématiques RH inhérentes au salariat », avance Emmanuelle Courtet. Aujourd’hui bien renseignés, les franchiseurs start-uppers n’hésitent d’ailleurs pas à se faire accompagner par des spécialistes de la franchise pour modéliser leurs modèles. « J’ai fait beaucoup de choses moi-même mais je me suis entouré de plusieurs experts pour la rédaction du manop, du DIP et du contrat de franchise », explique ainsi Armand Manival de Zestia.
Un esprit start-up à tous les étages
Ces jeunes pousses ont également des particularités dans leur fonctionnement et leur organisation. Leur sport préféré ? Lever des fonds pour structurer la tête de réseau et se lancer en franchise avec les moyens nécessaires. La Brigade, spécialiste de la street food carnivore avec 5 points de vente, a ainsi levé 2 millions d’euros en 2020 et 2022. Même stratégie pour Les Opticiens Mobiles. En 2021, l’enseigne a ouvert son capital à des fonds d’investissement à impact à hauteur de 7,5 millions d’euros. « Ce 3e tour de table nous a permis de financer notre lancement en franchise, notamment la partie technologique, avec la création de logiciels et d’outils CRM », indique Matthieu Gerber, fondateur de l’entreprise qui compte aujourd’hui une soixantaine de franchisés.
Ces jeunes franchiseurs ont également banni le management à la papa. Transparence, horizontalité et flexibilité sont devenues des mots d’ordre. Chez Do&Ka, toute la tête de réseau est en full remote. Un des cofondateurs vit même aux Canaries ! « Le télétravail n’empêche pas de recruter des talents. Toute notre équipe interne est éclatée aux quatre coins de la France », mentionne pour sa part Armand Manival du réseau Zestia. Côté communication, les start-ups en franchise s’en donnent également à cœur joie avec des messages décalés et dans l’ère du temps. La Compagnie des Déboucheurs, reconnaissable à ses camions bleu et rose, possède par exemple sa propre chaîne YouTube sur laquelle elle diffuse des tutos mis en scène par une petite grand-mère. « L’humour est notre priorité. C’est un ton de marque que nous privilégions afin d’atténuer le côté « situation de crise » ressenti par les clients lorsqu’ils nous contactent pour déboucher leurs canalisations », indique Benoît Magnand, co-fondateur de La Compagnie des Déboucheurs avec Grégory Bonhomme. Dans un autre genre, cette fois-ci par souci environnemental, RP Green fait quant à elle des campagnes publicitaires écolos en ville. « Nous peignons un pochoir à notre effigie sur les trottoirs. La pluie ou le nettoyage des agents le font disparaître en quatre à cinq jours », se félicite Yohann Fievet, emblématique de la Next-Gen entrepreneuriale.
Qui va piano va sano
Ces nouvelles pratiques « sexy » ne doivent cependant pas faire tourner la tête des franchisés. « Attention aux effets de mode ! Il faut bien étudier le marché avant de s’engager avec ce type de réseau, vérifier que le concept est éprouvé, rentable et que la tête de réseau est structurée », prévient Emmanuelle Courtet. Car l’agilité ne rime pas avec la précipitation. « Je ne tiens pas à développer pour développer, je cherche des franchisés désireux de réinventer un immobilier plus vert et plus humain à la fois. En devenant franchiseur, je deviens responsable de la réussite des franchisés. Cela nous oblige à nous structurer », analyse Yohann Fievet de RP Green. Les vertus de la franchise sont décidemment contagieuses, même dans les start-ups les plus agiles.